Par un arrêt du 3 mai 2011, le Conseil d’état vient de remettre en cause le modèle économique complexe élaboré par la CRE pour garantir la rémunération d’EDF par les opérateurs d’effacement diffus (effacement de consommation électrique) (CE, 3 mai 2011, SA Voltalis, req. n° 331.858).
Qu’est ce que l’effacement de consommation électrique ?
L’effacement de consommation électrique poursuit trois objectifs :
– éviter la création de nouvelles unités de production d’énergie en lissant les à-coups de consommation d’électricité en France (« objectif environnemental »)
– participer à la sécurité d’approvisionnement du réseau (« objectif de sécurité »)
– favoriser la compétitivité des entreprises françaises réalisant de l’effacement de réseau en faisant baisser leur facture énergétique (« objectif économique »).
Au-delà de certains seuils de consommation électriques, il est économiquement plus avantageux de rémunérer des consommateurs pour ne pas consommer (effacement diffus) que d’augmenter les capacités de production.
Or la principale voie de valorisation des effacements de consommation électrique est la participation au « Mécanisme d’Ajustement » du gestionnaire du réseau électrique (RTE), car ce dernier doit garantir un équilibre permanent entre la production et la consommation électrique en France.
Sur un plan technique, cette participation au Mécanisme d’Ajustement permet de soumettre des offres d’ajustement de façon spontanée. C’est également une condition sine qua non pour participer à des appels d’offres lancés par RTE pour optimiser sa mission d’ajustement du réseau électrique.
En pratique, cependant, l’entrée sur le marché de nouveaux opérateurs économiques, proposant non pas un surcroît de production d’énergie mais un effacement de consommation, a pour effet de bouleverser les équilibres économiques et techniques en place.
Qu’a décidé la CRE dans sa délibération du 9 juillet 2009 ?
La Commission de Régulation de l’Énergie (CRE) avait été saisie de cette question complexe de l‘intégration des effacements diffus au sein du Mécanisme d’Ajustement. Dans une délibération du 9 juillet 2009, la CRE avait décidé que les opérateurs d’effacements diffus (nouveaux acteurs économiques entrants) devaient rémunérer les fournisseurs d’électricité dont les clients s’étaient effacés.
En pratique, cette solution permettait à EDF de continuer à produire de l’électricité de manière constante, sans être pénalisé économiquement par la non-consommation d’électricité de certain de ses clients.
Pourquoi le Conseil d’Etat a-t-il annulé la délibération de la CRE dans son arrêt Voltalis du 3 mai 2011
En annulant la délibération de la CRE par son arrêt du 3 mai 2011, le Conseil d’état vient de remettre en cause ce modèle économique (CE, 3 mai 2011, SA Voltalis, req. n° 331.858).
Selon le Conseil d’état, en l’état actuel du droit (article 15 de la loi du 10 février 2000, devenu article L. 321-10 du Code de l’énergie depuis l’ordonnance du 9 mai 2011), la notion de modifications tenant « compte de l’ordre de préséance économique » implique seulement que RTE (gestionnaire du réseau) retienne l’offre la moins coûteuse et garantissant le meilleur tarif aux usagers.
La Haute Assemblée juge que la CRE a dénaturé la lettre de la loi en énonçant que l’appréciation économique de l’offre de l’opérateur diffus pouvait porter sur ses effets sur l’ensemble de la collectivité et, conséquemment, justifier une rémunération accessoire du producteur d’électricité « lésé ».
En d’autres termes, la rémunération du fournisseur d’électricité par l’opérateur diffus ne relève pas des critères de sélection à prendre en compte par RTE pour autoriser une modification des programmes d’appel.
Le Conseil d’État reconnaît cependant implicitement que la loi sur la modernisation du service public de l’électricité du 10 février 2000 n’a pas suffisamment pris en considération les effets indirects de l’effacement diffus en particulier (car le producteur de l’électricité effacée continue de devoir produire et devra bien être payé, ce qui coûte à la collectivité).
Quelles conséquences ?
En définitive, dès lors que RTE doit retenir l’offre garantissant le meilleur tarif aux usagers directs, et bien que le Conseil d’état n’ait pas explicitement interdit la rémunération du fournisseur d’électricité par l’opérateur diffus, l’arrêt Voltalis soulève la question de la cause juridique d’une telle rémunération.
Une révision de l’ex-article 15 de la loi du 10 février 2000 (devenu article L. 321-10 du Code de l’énergie depuis l’ordonnance n° 2011-504 du 9 mai 2011) permettrait de garantir au producteur (EDF notamment) que sa rémunération repose sur une base légale solide.
CE, 3 mai 2011, SA Voltalis, req. n° 331.858
http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?oldAction=rechJuriAdmin&idTexte=CETATEXT000023958631&fastReqId=719427810&fastPos=1