Quelle règle de hauteur appliquer à un type de construction lorsque les auteurs du document d’urbanisme ont omis de l’envisager ? Comment dire le droit orsque l’architecte – tel Gaudi dans notre illustration – est plus imaginatif que le légiste ?
C’est la question à laquelle la Cour administrative d’appel de Lyon a du répondre à l’occasion d’une procédure engagée contre un permis de construire un immeuble collectif comportant un panachage architectural de toitures pentes et de toitures terrasses.
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L’article 10 du document d’urbanisme (PLU ou POS) fixe la règle de hauteur des bâtiments. Nous savons cependant que le contrôle du respect de cette règle peut soulever des difficultés.
La jurisprudence a notamment du déterminer à partir de quel point haut du bâtiment pratiquer le calcul de la hauteur lorsque le document d’urbanisme fait mention de l’expression « tout point » du bâtiment. Dans un tel cas, « la différence de niveau entre tout point de la construction et le point du sol situé à l’aplomb » doit « se mesurer du faîte du toit jusqu’au niveau du sol d’assiette de la construction avant et après terrassement » (CE, 25 mars 1996, Consorts X, req. n° 118651).
Mais les documents d’urbanisme peuvent être plus précis et prévoir des règles spécifiques par catégorie architecturale de construction : Pour respecter une harmonie visuelle, la hauteur maximale d’un toit pente peut être supérieure à celle d’un toit terrasse (par exemple : hauteur des toits pentes moins 1,5 mètre pour les toits terrasses).
Dans ce cas, la jurisprudence n’a pas souvent eu à se prononcer sur le cas de constructions mixtes ,lorsque l’inventivité de l’architecte dépasse celle des auteurs du PLU et soulève des interrogations juridiques profondes.
Dans l’affaire qui nous intéresse, la difficulté était que le document d’urbanisme de la commune prévoyait des règles de hauteurs différenciées pour chacune des toitures concernées, mais aucune règle spécifique en cas d’opération mixte.
Dans l’une des seules décisions pouvant se rapporter à cette hypothèse, le Conseil d’état avait indiqué qu’un pétitionnaire ne pouvait revendiquer, pour la partie en toiture-terrasse, le bénéfice de la règle de hauteur des toitures à pente (Ce, 1er octobre 1997, Le Flem, req. n° 167385).
Le Tribunal administratif de Lyon a d’abord fait une application a contrario et extensive du principe retenu par la Haute Assemblée. Il a en effet jugé que la règle de hauteur la plus défavorable devait s’appliquer à toute l’opération (TA Lyon, 18 décembre 2008, Comité des Habitants de l’Impasse MOREL et autres – req. n° 0605860 et 0702533) : « il ressort des pièces du dossier que le bâtiment projeté est composé de toits à pans et de toits terrasses ; qu’en application des dispositions précitées la hauteur maximale autorisée est de 14, 50 mètres » (règle de hauteur applicable aux toitures terrasses).
Ce jugement pouvait paraître sévère dès lors que les auteurs du document d’urbanisme n’avaient pas envisagé cette hypothèse, ni dans un sens ni dans l’autre.
Or, lorsqu’il doit interpréter une notion d’urbanisme qui n’est pas définie réglementairement, le juge fait en principe prévaloir la définition permettant l’exercice le plus large du droit de construire (voir par ex. CE, 25 janvier 1979, Bizette, p.13 ; CE, 24 févr. 1995 Debord : Rec. CE, tables p. 1079 ; BJDU 3/1995, p. 222, obs. L. Touver s’agissant de la hauteur d’un bâtiment qui, en l’absence de précision, doit être appréciée à l’égout du toit et non au faîtage; ou CAA Paris, 1er juin 1999, M. Burgeot, req. n° 96-4431, s’agissant de l’emprise au sol qui, si elle pas définie, s’apprécie à partir de la superficie qu’occupe la base de la construction et non de sa projection verticale). Il s’agit là d’une application du principe d’interprétation stricte des règles de police.
Dans son arrêt du 26 avril 2011 (req. n° 09LY00499), la Cour administrative d’appel de Lyon a en définitive fait prévaloir ce principe et annulé le jugement de première instance.
En l’absence de toute précision du règlement d’urbanisme dans l’hypothèse particulière d’un projet comportant une couverture mixte (toit-pente et toit-terrasse), la Cour juge que minoration de la règle de hauteur doit être appliquée aux seules parties du projet couvertes par le toit-terrasse. Le respect de la règle de hauteur doit donc s’apprécier de manière différenciée selon le type de toit de chaque partie du bâtiment.
Cette décision tranche, suivant une interprétation pragmatique du silence de la règle d’urbanisme, la question du calcul de la hauteur et du nombre de niveaux pour les bâtiments à toiture mixte (terrasse et pente). Gaudi peut reposer en paix.
http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?oldAction=rechJuriAdmin&idTexte=CETATEXT000023945549&fastReqId=290871409&fastPos=1