Le Tribunal administratif de Bastia vient de rendre un jugement relatif au recours d’un voisin déposé contre le permis de construire une centrale photovoltaïque au sol.
Bien que le requérant exploite une activité d’oléiculture sur des parcelles voisines du terrain d’assiette du projet, sa requête est déclarée irrecevable pour défaut d’intérêt à agir. Le requérant ne démontre pas la légitimité d’un intérêt à agir, reponsant sur des conditions d’urbanisme, contre le projet de parc photovoltaïque (TA Bastia, 30 juin 2011, EARL x, req. n° 100989 et 100990).
1. Usage agricole et centrales photovoltaïques au sol
a) On sait que depuis le décret n°2009-1414 du 19 Novembre 2009, les centrales photovoltaïques au sol sont soumises à permis de construire précédé d’une étude d’impact et d’une enquête publique (au-delà d’une puissance crête de 250 kilowatts).
On sait également que la circulaire « Borloo » du 19 novembre 2009 soulève des questions sur la compatibilité d’un parc photovoltaïque avec les règles d’urbanisme. La circulaire indique qu’il est fondamental de respecter la vocation agricole des terres mais n’interdit pas ces opérations si la vocation agricole est maintenue (ex zones NC devenues A).
En fait, bien qu’il puisse sembler réducteur d’opposer le photovoltaïque à l’agriculture, les opérateurs photovoltaïques sont incités à privilégier les friches et les terres en jachère sur le fondement de ce dernier texte, a priori sans valeur réglementaire.
Pourtant, selon différentes études, l’implantation de panneaux photovoltaïques peut être compatible avec la vocation agricole des terrains. En outre, la consommation de terres agricoles concernées est quasiment anecdotique au regard de la diminution annuelle des surfaces agricoles (achat pour un usage non agricole, urbanisation, et abandon de l’agriculture notamment).
b) En droit, les constructions ou installations nécessaires aux services publics ou d’intérêt collectif sont autorisées dans les zones agricoles (article R. 123-7 du Code de l’urbanisme).
Or, la jurisprudence considère que les installations productrices d’électricité d’origine renouvelable constituent des constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs (CAA Nancy, 2 juillet 2009, Association Pare-Brise, n° 08NC00125), des ouvrages techniques nécessaires au fonctionnement des services publics (CAA Nantes, 12 novembre 2008, Association pour la sauvegarde de l’environnement et des lieux de mémoire de la bataille de 1944, n° 07NT02823) ou des ouvrages techniques d’intérêt général (CAA Nantes, 23 juin 2009, Association cadre de vie et environnement Melgven Rosporden, n° 08NT02986).
2. Jugement du Tribunal administratif de Bastia du 30 juin 2011 : l’intérêt économique n’est pas urbanistique
a) En Corse, l’instruction d’une demande de permis de construire un parc photovoltaïque est expressément soumise à l’avis de l’Assemblée de Corse (articles R. 423-56 du Code de l’urbanisme et L. 4424-39 du Code général des collectivités territoriales). En pratique, celle-ci se prononce après avis de l’Agence de Développement Économique de la Corse (ADEC), voir de l’Institut National de l’Origine et de la Qualité (INAO). En l’espèce, le préfet a délivré le permis de construire sollicité à la suite d’avis favorables.
Pourtant, un producteur d’huile d’olive « voisin » avait contester la légalité de ce permis de construire devant le Tribunal administratif de Bastia au motif qu’il avait envisagé l’achat des parcelles objet du permis. Il demandait son annulation au vu du potentiel oléicole du site.
De son côté, le bénéficiaire du permis rétorquait que l’enceinte même du projet était de nature à être utilisée comme zone de parcage pour un élevage ovin, de sorte que le parc photovoltaïque au sol était compatible avec un usage agricole. Il insistait également sur la réversibilité du projet (retour à l’état initial en fin d’exploitation), la très faible consommation d’espace et l’absence de pression foncière agricole.
b) A l’audience, le rapporteur public a conclu au rejet au fond de la demande d’annulation du permis de construire au motif que le potentiel oléicole du site concerné par le projet n’était pas démontré.
Mais le jugement du Tribunal administratif de Bastia s’avère en définitive encore plus sévère pour le requérant : sa requête est déclarée irrecevable pour cause d’absence d’intérêt à agir. Le Tribunal reproche au requérant de n’avoir fourni aucune pièce permettant d’apprécier la distance entre ses parcelles et le terrain du projet.
3. Analyse
Cette décision met indirectement en relief l’objectif de la requête. En effet, celui qui dépose un recours contre une autorisation d’urbanisme doit établir son intérêt à agir reposant sur des considérations d’urbanisme. En l’espèce, le bénéficiaire du permis avait souligné que l’objet du recours n’était pas de contester la construction mais relevait d’une convoitise non satisfaite des terrains objet du permis. Or, la propriété et l’exploitation d’une parcelle située à proximité d’un projet ne confère pas en soi un intérêt à agir (CE, 4 mai 1990, M. de Frey c/ commune d’Herblay, req. n° 100454 ; voir également : CE, 5 octobre 1979, SCI Addal d’Arvor, req. CE 1979 p. 365).
De même, par une décision société Quick France SA, le Conseil d’État a rappelé le principe selon lequel est irrecevable l’action d’une entreprise ne justifiant d’aucun autre intérêt que celui tiré de la concurrence commerciale avec la société bénéficiaire du permis de construire (CE, 22 février 2002, société France SA, req. n° 216.088).
Conseil : En cas de recours, et lorsque le requérant est une personne physique, les bénéficiaires deupermis de construire un parc photovoltaïque aura systématiquement intérêt à ui demander de justifier son intérêt à agir.