Une récente question prioritaire de constitutionnalité posée par l’Association FNE et transmise par le Conseil d’Etat au Conseil constitutionnel dans le cadre du recours déposé contre l’arrêté ministériel mâchefers du 18 novembre 2011 pourrait remettre en cause tous les arrêtés ministériels-types pris en matière d’ICPE.
Le motif ? La législation française n’a pas suffisamment bien mis en œuvre les dispositions de la Charte de l’environnement relatives au principe de participation du public (article 7).
En l’occurrence, c’est la procédure d’adoption des arrêtés ministériels-types pris en matière d’ICPE qui est en cause : la simple publication des projets d’arrêtés ne satisferait pas au principe de participation du public (CE, 17 avril 2012, Assoc FNE, req. n° 356349).
Le droit de l’environnement n’est pas fait que de directives européennes ou de lois. Bien au contraire, s’agissant d’un droit demeurant éminemment technique, les acteurs de l’environnement sont assujettis à des textes réglementaires nourris : décrets, arrêtés ministériels, arrêtés préfectoraux, circulaires, guide technique… et qui fournissent bien du travail aux juristes.
En matière d’installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) soumises à autorisation, la loi prévoit que le ministre de l’environnement puisse prendre des arrêtés ministériels « types »qui s’appliqueront à l’ensemble des ICPE relevant d’une rubrique déterminée.
Dans un tel cas, l’exploitant est soumis à la fois à l’arrêté préfectoral délivré sur la base de son dossier de demande et à l’arrêté ministériel type. C’est par exemple le cas de l’arrêté ministériel du 9 septembre 1997 (en cours de révision) pour les installations de stockage de déchets ou de l’arrêté ministériel du 26 août 2011 relatif aux parcs éoliens.
En pratique, depuis sa version issue de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, l’article L. 512-5 du Code de l’environnement dispose:
« Pour la protection des intérêts mentionnés à l’article L. 511-1, le ministre chargé des installations classées peut fixer par arrêté, après consultation des ministres intéressés et du Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques, les règles générales et prescriptions techniques applicables aux installations soumises aux dispositions de la présente section. Ces règles et prescriptions déterminent les mesures propres à prévenir et à réduire les risques d’accident ou de pollution de toute nature susceptibles d’intervenir ainsi que les conditions d’insertion dans l’environnement de l’installation et de remise en état du site après arrêt de l’exploitation. Les projets de règles et prescriptions techniques font l’objet d’une publication, éventuellement par voie électronique, avant leur transmission au Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques.
Ces arrêtés s’imposent de plein droit aux installations nouvelles. Ils précisent, après avis des organisations professionnelles intéressées, les délais et les conditions dans lesquels ils s’appliquent aux installations existantes. Ils fixent également les conditions dans lesquelles certaines de ces règles peuvent être adaptées aux circonstances locales par l’arrêté préfectoral d’autorisation ».
Un projet d’arrêté ministériel type pris pour une catégorie d’ICPE soumises à autorisation doit donc seulement faire l’objet d’une publication, éventuellement par voie électronique, avant d’être soumis pour avis au CSPRT (Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques, – ex-CSIC).
Cette simple formalité de « publication » fait débat car elle ne permet pas en tant que tel de s’assurer d’une véritable participation du public.
Or, en raison de la hiérarchie des normes, le droit national réglementaire et technique doit respecter les textes de rang supérieur, en l’occurrence :
– l’article 7 de la Charte de l’environnement, qui a valeur constitutionnel
– mais aussi l’article 8 de la Convention d’Aarhus du 25 juin 1998
C’est dans ce contexte que l’Association FNE a soulevé devant le Conseil d’Etat une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), à l’occasion d’un recours dirigé contre l’arrêté ministériel du 18 novembre 2011 relatif au recyclage des mâchefers.
Le Conseil d’Etat a jugé que la question était pertinente et l’a transmise au Conseil constitutionnel le 17 avril 2012.
En effet, la question répond aux 3 conditions fixées par la loi organique du Conseil constitutionnel : la disposition contestée est applicable au recours engagé contre l’arrêté mâchefers, elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la constitution et elle présente un caractère sérieux.
C’est parfaitement le cas dès lors que le Conseil constitutionnel a déjà jugé anticonstitutionnelles – pour les mêmes motifs – les dispositions du Code de l’environnement relatives aux ICPE soumises à enregistrement, lord d’une décision du 14 octobre 2011 rendue sur une saisine de la même association. Les dispositions contestées sont quasiment les mêmes et les sages ont déjà jugés que « l’existence d’une publication ne suffit pas à assurer la reconnaissance du recueil des observations du public ».
En effet, qu’en est-il de la participation du public dès lors que, par exemple, la loi ne prévoit pas que ses observations soient consignées ni mêmes recueillies et transmises ?
Mais les conséquences pourraient cette fois-ci s’avérer bien plus catastrophiques pour le Ministère de l’environnement.
Ce sont tous les arrêtés-types pris en matière d’ICPE qui sont en cause, dès lors que la législation est lapidaire sur la participation du public, et qui pourraient par conséquent être déclarés illégaux par effet domino.
La décision du Conseil Constitutionnel est attendue sous 3 mois.