Le Tribunal administratif de Caen a rendu un jugement le 23 mars 2012, s’ajoutant à la jurisprudence, désormais fournie, relative aux parcs éoliens (TA Caen, 23 mars 2012, Cne de Barbery et a., req. n° 1001842 et s.).
Ce jugement vient compléter le puzzle des obligations mises à la charge des opérateurs éoliens, préalablement à l’obtention des autorisations administratives. Il confirme la tendance prétorienne du juge à rechercher parmi les pièces du dossier la démonstration des impacts mais aussi des non- impacts, ce qui soulève une nouvelle fois la question de l’inversement de la charge de la preuve.
i. Jugement du Tribunal administratif de Caen du 23 mars 2012, Cne de Barbéry et autres
D’après le Code de l’environnement, le contenu de l’étude d’impact doit être en relation avec l’importance des travaux et aménagements projetés et avec leurs incidences prévisibles sur l’environnement (C. Env., art. R. 122-3).
En particulier, le dossier de demande de permis doit comporter une analyse des effets directs et indirects, temporaires et permanents du projet sur l’environnement (sites et paysages et patrimoine culturel notamment).
En l’espèce, le Tribunal administratif de Caen a annulé un permis de construire un parc de 9 éoliennes sur la base de ce texte. La lecture du jugement montre que l’examen du tribunal a essentiellement porté sur la représentativité des photomontages.
Tout d’abord, le juge souligne que l’étude d’impact comporte 8 photomontages dont 5 réalisés à partir de points situés dans le périmètre rapproché. Il procède ensuite à un examen poussé des documents, tant en ce qui concerne le périmètre d’étude rapproché que le périmètre d’étude éloigné.
– S’agissant du périmètre rapproché : le tribunal relève que « certaines des unités d’habitat recensées dans le périmètre rapproché n’ont pas fait l’objet d’un tel document sans qu’aucun élément de l’étude, qui ne comporte par ailleurs aucune coupe de terrain ni vue oblique, ne permette de justifier que le projet ne sera pas visible depuis ces secteurs proches ».
Il faut relever que le tribunal prescrit un photomontage pour chaque unité d’habitat, de sorte que cette formalité ne devrait pas nécessairement valoir pour des constructions autres que dédiées à l’habitation. Mais la jurisprudence peut encore évoluer…
– S’agissant du périmètre éloigné (rayon de 12 km en l’espèce) : Le Tribunal relève que l’étude fait apparaître la présence de nombreux monuments historiques, « susceptibles d’êtres en covisibilité avec le parc selon la carte de visibilité figurant dans la même étude (…) ».
Cependant, seul 3 monuments historiques sur 13 ont fait l’objet d’un photomontage. En outre, selon le tribunal, un seul de ces 3 photomontages permet « réellement » d’apprécier l’impact du projet sur ce monument et joint à l’étude d’impact. Les photomontages réalisés pour les 2 autres monuments ne permettent pas d’apprécier pleinement l’impact du parc éolien dès lors qu’ils ont été « réalisés à partir d’une vue d’ensemble du paysage dans lequel ces bâtiments s’insèrent ».
Pour les 10 autres monuments historiques, l’étude « se borne à énoncer en quelques lignes l’existence ou l’absence de covisibilité sans pour autant l’illustrer par un photomontage ou par des coupes de terrain.
ii. Analyse
Au vu de ce jugement, il est recommandé d’appréhender la question de l’étude des impacts d’un parc éolien de la manière suivante :
– Dans le périmètre rapproché, il convient de joindre un photomontage par unité d’habitat recensée ou de prouver avec des plans de coupe du terrain et des vues obliques que le projet ne sera pas visible depuis ces bâtiments.
– Dans le périmètre éloigné, il convient de joindre un photomontage par monument historique ou de prouver avec des plans de coupe du terrain que le projet ne sera pas visible depuis ces monuments.
Selon notre analyse, ce contrôle du juge peut confiner à celui d’une démonstration des non-impacts. Ainsi, le dossier ne peut pas se contenter d’affirmer que les éoliennes ne seront pas visibles depuis les habitations situées dans le périmètre rapproché. Il doit le prouver avec des pièces « objectives » : plans coupes et vues obliques.
Il est frappant de relever que le juge administratif n’a pas fondé sa décision sur l’argumentation ou les pièces fournies par les requérants eux-mêmes.
Cette circonstance confirme une tendance jurisprudentielle à appliquer un principe d’inversement de la charge de la preuve, selon lequel l’absence de démonstration des non-impacts du projet implique une présomption d’incidence sur l’environnement et, par voie de conséquence, un vice de forme conduisant à l’annulation du permis.
Il est recommandé, par précaution, d’en tenir compte pour toutes les études d’impact (TA Caen, 23 mars 2012, Cne de Barbery et a., req. n° 1001842 et s.).