La procédure de question prioritaire de constitutionnalité (QPC) a permis aux juristes, mais aussi plus généralement à tous les citoyens de (re)découvrir les mérites de la hiérarchie des normes.
Il y a une Constitution au dessus des lois et, depuis une réforme de juillet 2008, il est possible de l’invoquer devant les tribunaux !
Les nombreuses et récentes décisions du Conseil Constitutionnel rendues à propos de la législation environnementale ont conduit à populariser/revigorer un vocabulaire souvent inusité : le Conseil constitutionnel rend des « décisions » et pas des jugements ni des arrêts. Ses décisions peuvent conduire à la reconnaissance de la non conformité de texte de lois à la Constitution.
Mais, dans ce cas, faut-il écrire (ou dire, mais c’est plus dur) que la loi est « anticonstitutionnelle » ou qu’elle est « inconstitutionnelle »
1. La réponse vient du Conseil constitutionnel lui-même…
Le Conseil constitutionnel, dans un souci pédagogique, fait état, dans ses propres décisions, de textes « contraire à la Constitution », ce qui a le mérite d’être intelligible.
Il évoque également la « déclaration d’inconstitutionnalité » de tel ou tel texte.
La question est elle alors tranchée ?
2. … confirmée par le dictionnaire
La définition du Trésor de la langue française informatisé (TLFI), ouvrage de référence utile à tout bibliophile et disponible sur http://atilf.atilf.fr/, confirme cet usage.
Est inconstitutionnel ce « Qui n’est pas conforme à la Constitution d’un État; qui s’y oppose ».
Cette définition peut être illustrée par une citation de Georges Vedel « Le Sénat est conservateur de la Constitution. De ce fait, il peut annuler les actes inconstitutionnels et donc les lois inconstitutionnelles. En outre, il peut par des Sénatus-Consultes, modifier la Constitution » (VEDEL, Dr. constit., 1949, p. 75).
Toujours selon notre TLFI, est anticonstitutionnel ce qui « est hostile à la constitution politique d’un pays; dirigé contre la constitution ». La définition désigne alors un comportement moins politiquement correct.
Mais elle a pu s’appliquer à une loi : « interdire à tous ceux qui ne payent pas une contribution égale à trois journées d’ouvriers, le droit même de choisir les électeurs destinés à nommer les membres de l’Assemblée législative; qu’est-ce autre chose, que rendre la majeure partie des Français absolument étrangers à la formation de la loi? Cette disposition est donc essentiellement anti-constitutionnelle et anti-sociale » (ROBESPIERRE, Discours, Sur le marc d’argent et les journées d’ouvriers, t. 7, 1791, p. 161).
En d’autres termes, une loi peut être inconstitutionnelle. Mais si cette inconstitutionnalité est très lourde, elle pourrait devenir anticonstitutionnelle.
Néanmoins, dans ce dernier cas, le risque de confusion politique est grand, de quoi en perdre la tête.
C’est donc, sans trop de risque, que l’on recommandera, vivement, de s’en tenir à l’expression du professeur d’université et académicien Vedel plutôt qu’à celle de l’avocat et homme politique Robespierre.
Il faut donc écrire – à commencer par moi – qu’une loi déclarée non conforme à la Constitution est « inconstitutionnelle ».
3. Un peu d’étymologie
On relèvera enfin que le TLFI date étymologiquement l’adjectif « anticonstitutionnel » de 4 ans plus tôt qu’ « inconstitutionnel » (1774 au lieu de 1778). L’expression vient de l’anglais « unconstitutional » (1765).
En illustration: Georges Vedel