Que faut-il penser de la création des zones économiques exclusives (ZEE) maritimes sous juridiction française, en méditerranée et peut être demain sur la façade atlantique ?
Au motif de protéger la ressource halieutique, la France vient de remplacer la Zone de Protection Ecologique (ZPE) de 70 miles créée en méditerranée en 2004 pour la remplacer par une Zone Economique Exclusive (ZEE).
Mais le décret du 12 octobre 2012 est intervenu sans consultation préalable du public.
Un autre projet de décret relatif aux îles artificielles, installations, ouvrages situés dans les ZEE, ZPE et sur le plateau continental a quant à lui été mis en consultation.
L’un des enjeux de la mise en place de ce dispositif est le développement des parcs éoliens off shore et la solidité de son cadre juridique.
Les ZEE portent sur des superficies très importantes et emporteront très certainement de nombreuses conséquences économiques, politiques, sociales, juridiques et environnementales.
i. Qu’est-ce qui distingue les ZPE des ZEE ?
Comme son nom l’indique, la Zone Economique Exclusive (ZEE) n’a pas la même vocation que la Zone de Protection Ecologique (ZPE).
La première, la Zone de Protection Ecologique (ZPE), a été délimitée en 2004 et était destinée à sanctuariser cet environnement, après les accidents maritimes de l’Erika en 1999 et du Prestige fin 2002.
La seconde, la ZEE, est régie par la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (ou Convention dite de Montego Bay) de 1982 et permet aux Etats côtiers d’étendre leurs prérogatives au-delà des douze milles de la zone de la mer territoriale et ce jusqu’à deux cents milles maximum.
Plus précisément, d’après l’Union International pour la Conservation de la Nature (UICN), les zones économiques exclusives (ZEE) sont l’une des innovations majeures du droit de la mer.
Nées d’une revendication politique fortement exprimée par les pays en développement, en particulier les États africains, qui ne pouvaient admettre le prélèvement sans limite de ressources halieutiques à proximité de leur mer territoriale, les ZEE sont surtout un outil dont la « finalité économique (…) est évidente puisque les droits souverains de l’État côtier sont étendus aux activités d’exploration et d’exploitation à des fins économiques. Les quelques exemples (production d’énergie à partir de l’eau, des courants et des vents) donnés par la Convention [3] n’épuisent pas la liste des activités placées sous le régime des droits souverains, pas plus qu’ils ne signifient que lesdites activités sont limitées au domaine de l’énergie marine ».
Ainsi, la création d’une ZEE permet:
– à un Etat côtier de limiter, s’il le souhaite le prélèvement de la ressource halieutique au delà de la limite des 12 miles
Or, la communication gouvernementale a été beaucoup plus discrète sur ce dernier point.
i. La transformation de la ZPE en ZEE présentée comme une réponse à la pêche intensive
Le projet de transformer la ZPE de Méditerranée en ZEE a avant tout été présenté comme un renforcement des outils juridiques permettant d’encadrer les activités maritimes susceptibles de porter atteinte à l’environnement (Plan d’action pour le milieu marin Méditerranée Occidentale).
On peut à ce titre rappeler la déclaration du Ministre de l’Environnement Jean Louis Borloo en 2009, selon laquelle la création d’une ZEE en méditerranée relevait d’un objectif de protection des ressources halieutiques :« Nous changeons de politique parce que les prélèvements sur les ressources, notamment halieutiques, qui viennent des bateaux du monde entier sans aucun contrôle, sauf dans les eaux territoriales, ne sont pas supportables ».
Le journal Le Monde relevait cependant déjà qu’en décrétant une ZEE, la France s’accordait également le droit de réguler l’activité de pêche, « mais aussi d’exploiter le sous-sol (pétrole, énergies marines, minerais…). », ce qui n’est pas tout à fait la même chose.
iii. Que s’est-il passé le 12 octobre 2012 ?
Finalement, c’est seulement par un décret du 12 octobre 2012 qu’a été supprimée la ZPE qui existait au large de la Provence, pour lui substituer une ZEE.
Des associations et des élus y voient un lien juridique avec le permis exclusif de recherche dit « Rhône-Maritime ». De même, un lien a été fait entre la création d’une ZEE en méditerranée et des phases de prospection sismique, avec des conséquences envisagées sur les cétacés.
En pratique, on peut craindre que le manque de transparence qui a précédé l’adoption de ce décret nourrice les soupçons. C’est regrettable à double titre :
– D’abord parce que le principe de concertation et de transparence sont désormais devenu la règle en matière de politique environnementale.
– Ensuite, parce que ce dispositif induits de très importants enjeux économiques.
iv Que peut-on en attendre ?
Le manque de transparence qui a prévalu jusqu’à présent fait craindre au juriste de mauvaises surprises, pouvant conduire à la remise en cause du dispositif « ZEE ».
A trop les prendre les citoyens pour des irresponsables, on en arrive à desservir les thèses que l’on croit défendre. Un autre exemple ? la France n’a pas encore fini de débattre des conséquences de l’octroi discret des permis de recherche de gaz de schiste à l’été 2010.
Il serait infiniment regrettable que des effets dominos liés aux conditions d’approbation du cadre juridique des ZEE viennent également impacter le développement des énergies renouvelables et plus particulièrement l’implantation de parcs éoliens off shore au-delà de 12 miles nautiques.
Les industriels attendent, depuis de nombreuses années, qu’un cadre stable permette d’exploiter les énergies marines et Il est donc fondamental que les investissements colossaux que cela implique reposent sur des bases juridiques solides.