Dans un arrêt du 14 novembre 2012, le Conseil d’Etat vient de confirmer l’annulation du parc éolien de la commune de Plouvien. L’arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes du 28 janvier 2011 est donc confirmé : les éoliennes de Plouvien n’ont pas leur place sur les communes ou s’applique la loi littorale.
Cependant, cet arrêt est un arrêt d’espèce car le Conseil d’Etat laisse entendre que les parcs éoliens pourraient indirectement être qualifiés d’installations nécessaires à des services publics. Cela aurait pour effet paradoxal d’autoriser les parcs éoliens dans la bande des 100 mètres du rivage.
i. Tout d’abord, le Conseil d’Etat constate que la loi littorale s’applique sur la commune de Plouvien :
« la cour administrative d’appel, dont l’arrêt est suffisamment motivé, n’a pas inexactement qualifié ces faits en estimant que la commune de Plouvien n’était pas une commune riveraine d’un estuaire mais devait être regardée comme une commune riveraine des mers et océans, pour l’intégralité de son territoire, au sens de l’article L. 321-2 du code de l’environnement, et que, par suite, les dispositions du I de l’article L. 146-4 du code de l’urbanisme s’appliquaient sur l’ensemble de son territoire »
ii. Il déduit ensuite de la loi (article L. 146-4 du Code de l’urbanisme) que les éoliennes sont interdites :
« le législateur a entendu interdire toute construction isolée dans les communes littorales et a limitativement énuméré les dérogations à cette règle ; qu’en estimant que la construction d’éoliennes devait être regardée comme une extension de l’urbanisation au sens du I de l’article L. 146-4 du code de l’urbanisme et en jugeant, après avoir relevé, au terme d’une appréciation souveraine des faits, que les éoliennes dont l’implantation a été autorisée par le permis de construire contesté ne se situaient pas en continuité d’une agglomération ou d’un village existant, et que le préfet du Finistère avait méconnu ces dispositions en accordant ce permis de construire, la cour administrative d’appel de Nantes n’a pas commis d’erreur de droit »
iv. Enfin, le Conseil d’Etat relève qu’il existe des dérogations légales. A ce titre, il marque une nette différence avec l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Nantes. En l’espèce, elles sont inapplicables car le parc n’est pas situé dans une bande de 100 mètres le long du rivage :
« il peut être dérogé à l’interdiction des constructions ou installations en dehors des espaces urbanisés pour les constructions ou installations nécessaires à des services publics ou à des activités économiques exigeant la proximité immédiate de l’eau, ne sont applicables que dans la bande littorale de 100 mètres à compter de la limite haute du rivage »
Or, en l’espèce, les éoliennes se situaient en dehors de cette bande de 100 mètres.
Analyse
Cet arrêt est donc désolant pour le parc de Plouvien mais très intéressant pour les opérateurs.
En effet, le Conseil d’Etat laisse entendre que les parcs éoliens pourraient indirectement être qualifiés d’installations nécessaires à des services publics, ce que la Cour administrative d’appel n’avait pas fait.
En particulier, le Conseil d’Etat ne dit pas que le moyen tenant à l’application des dérogations légales serait inopérant pour des circonstances de droit. Il l’écarte en l’espèce pour des circonstances de fait, ce qui est différent.
L’arrêt du 14 novembre 2012 pourrait donc amorcer une petite r(évolution) jurisprudentielle, dans la mesure ou les parcs éoliens n’étaient jusqu’à présent qualifiés que d’équipements d’intérêts publics.
La notion de « service public » marquerait une étape supplémentaire, notamment parce qu’elle est employée dans bien des documents d’urbanisme.
Le paradoxe de la loi est qu’elle permettrait d’implanter des éoliennes dans la bande de 100 mètres en limite du rivage mais pas au-delà !
Mon petit doigt me dit que le Conseil d’Etat ne s’y serait pas pris autrement s’il avait voulu attirer l’attention du législateur et l’inciter à légiférer sur ce point.
Voilà un bon argument pour se pencher sur la question.