L’autorisation préfectorale délivrée à un opérateur pour l’exploitation d’un parc éolien au titre de la législation des ICPE peut être attaquée et il faut d’ores et déjà se préparer aux recours des tiers.
Mais la question des délais de recours fait débat. En effet, certains des tous premiers arrêtés préfectoraux pris en la matière affirment que les tiers disposeraient d’un double délai : 6 mois à compter de l’affichage et 6 mois supplémentaires si la mise en service intervient au-delà.
Nous sommes au contraire d’avis que le recours des tiers contre les décisions ICPE relatives aux parcs éoliens est limité à six mois (à compter de la publication ou de l’affichage de la décision administrative), sans prorogation possible.
Le grand éolien relève de la législation des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) et, à ce titre, des règles spéciales de procédures propres à cette législation.
Ces règles sont très différentes de celles applicables au permis de construire, notamment en ce qui concerne les délai de recours.
i. Le droit applicable en général aux recours contre les ICPE
La loi Grenelle 2 du 12 juillet 2010 prévoit une compétence réglementaire de principe pour fixer les délais de recours contre les autorisations dites « ICPE » et les autorisations prises au titre de la loi sur l’eau (dites « IOTA »).
L’article L. 514-6 du code de l’environnement renvoi ainsi à un décret en Conseil d’Etat.
L’article R. 514-3-1 issu du décret n° 2010 1701 du 30 décembre 2010 est le texte réglementaire pris pour son application. Il prévoit que :
« Sans préjudice de l’application (souligné par nous) des articles L. 515-27 et L. 553-4, les décisions mentionnées au I de l’article L. 514-6 et aux articles L. 211-6, L. 214-10 et L. 216-2 peuvent être déférées à la juridiction administrative :
-par les tiers, personnes physiques ou morales, les communes intéressées ou leurs groupements, en raison des inconvénients ou des dangers que le fonctionnement de l’installation présente pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 dans un délai d’un an à compter de la publication ou de l’affichage de ces décisions. Toutefois, si la mise en service de l’installation n’est pas intervenue six mois après la publication ou l’affichage de ces décisions, le délai de recours continue à courir jusqu’à l’expiration d’une période de six mois après cette mise en service ; »
Le délai de recours contre les autorisations ICPE en général est donc de 1 an à compter de la publication/affichage.
En outre, si l’installation classée n’a pas été mise en service dans les 6 mois suivant la délivrance de l’autorisation préfectorale, le délai sera prorogé de 6 mois suppléementaires à compter de cette mise en service.
ii. Le régime spécifique des parcs éoliens
Cependant la même loi Grenelle 2, définit dans le même temps des délais de recours contentieux spéciaux et spécifiques pour les parcs éoliens classés au titre des ICPE (ainsi que pour les installations d’élevage).
En effet, l’article L. 553-4 du code de l’environnement prévoit que:
« Par dérogation aux dispositions de l’article L. 514-6, les décisions (…) concernant les installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent classées au titre de l’article L. 511-2 peuvent être déférées à la juridiction administrative :
2° Par les tiers (…) dans un délai de six mois à compter de la publication ou de l’affichage desdits actes ».
Le délai de recours contre les parcs éoliens est donc fixé par la loi. Il est de 6 mois à compter de l’affhichage/publication de l’autorisation ICPE.
iii. La prorogation du délai en cas de mise en service différée s’applique-t-elle aux parcs éoliens ?
Nous sommes d’avis que, contrairement à ce que certains arrêtés ICPE pris pour des parcs éoliens ont pu prescrire, les tiers ne peuvent plus contester l’autorisation ICPE au delà du délai de 6 mois (calculé à compter de la publication/affichage). Cela ne change pas quand bien même la mise en service du parc éolien interviendrait plus de 6 mois après la délivrance de l’autorisation.
En effet, la locution « sans préjudice » de l’article R. 514-3-1 du Code de l’environnement signifie que la règle qui est énoncée ensuite est sans incidence sur l’application d’une autre règle, qu’on entend précisément ne pas écarter et qui pourra s’appliquer également.
Le décret d’application de l’article L. 514-6 du Code de l’environnement fixant les modalités d’exercice du recours des tiers contre les décisions relatives aux ICPE en général ne s’applique donc pas aux parcs éoliens.
Conclusion
Selon notre analyse, le recours des tiers contre les décisions ICPE relatives aux installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent (parcs éoliens) est enfermé dans un délai de six mois à compter de la publication ou de l’affichage de la décision administrative (article L. 553-4), sans prorogation possible à compter de la mise en service de l’installation
Dans tous les cas, la mention d’un délai de recours des tiers erroné dans un arrêté préfectoral d’autorisation d’exploitation d’un parc éolien ne modifie pas le délai légal.
Les opérateurs pourront donc mettre en service les parcs éoliens autorisés par des arrêtés ICPE au-delà d’un délai de 6 mois sans que cela rouvre un délai de recours pours les tiers.