Le Commissariat général au développement durable (CGDD) s’est penché sur l’intéressante question des avantages environnementaux de la mise en œuvre de circuits dits « courts » ou de « proximités », en matière de consommation alimentaire (« Consommer local, Les avantages ne sont pas toujours ceux que l’on croit » étude CGDD n° 158, mars 2013 mis en avant par l’excellente veille juridique du Code permanent environnement et nuisances).
Le résultat peut surprendre de prime abord. Mais comme « Les convictions sont des ennemies de la vérité plus dangereuses que les mensonges » (Nietzsche), je ne résiste pas à l’envie de le partager.
Au terme de cette étude, dont il faut tout de suite souligner qu’elle ne porte pas principalement sur la qualité alimentaire des produits mais avant tout sur leur bilan carbone, la réduction des distances entre producteurs et consommateurs n’aurait pas d’impact environnemental significatif.
En effet, la phase de production pèserait bien plus sur les impacts environnementaux des produits agroalimentaires (notamment sur leur bilan carbone) que la phase de consommation.
Ne brûlons pour autant pas trop vite ce que nous avons adoré. La même étude souligne que la consommation locale contribue à l’alimentation durable compte tenu de ses nombreux avantages, notamment socio-économiques, ce qui n’est déjà pas si mal.
En définitive, l’étude du CGDD remet avant tout en cause l’idée préconçue selon laquelle les circuits courts auraient un bon bilan carbone. L’avantage des circuits courts ne réside pas nécessairement dans le moindre kilométrage parcouru.
Parmi les mots valises à la mode du développement durable, les circuits courts répondraient à tous nos maux. Il suffit de lire le hashtag #circuitscourts sur tweeter pour s’en convaincre.
Mais le paradoxe de l’accélération et de la massification des moyens de communication (blogs, twitter) est que cela conduit à multiplier les formules sans avoir pris le temps de la réflexion ou de la compréhension.
Tel est le cas des circuits courts. Voilà un concept qui, de prime abord, rassure et renforce la conviction que l’économie locale est plus avantageuse que le commerce transnational, notamment en matière alimentaire.
Dans son étude de mars 2013, le Commissariat général au développement durable (CGDD) nous remet un peu les idées en place et appelle à un certain recul. En effet, exemples à l’appui, le CGDD confirme une précédente étude allemande de 2006 selon laquelle les impacts environnementaux de la phase de production agricole restent le plus souvent prédominants sur le cycle de vie des produits alimentaires et dépendent du mode de production.
i. Tomate : concilier le bio avec le rendement à l’hectare ?
Selon l’étude, une tomate issue de l’agriculture biologique n’a pas les mêmes impacts qu’une tomate issue de l’agriculture conventionnelle. Par exemple, elle ne requiert pas d’engrais ni de produits phytosanitaires de synthèse, ce qui joue en faveur de son bilan environnemental (moins d’émissions de gaz à effet de serre liées à la fabrication d’engrais, moins d’atteintes à la qualité de l’eau, meilleure préservation de la biodiversité, etc.).
Mais, d’un autre côté, le rendement à l’hectare est en général moindre en agriculture biologique. Ainsi, même si les impacts environnementaux à l’hectare sont plus faibles pour la tomate bio, ils peuvent rester à un niveau tel que le ratio « impacts /quantité de produit » peut être supérieur à celui de l’agriculture conventionnelle.
ii. Agneau de Nouvelle-Zélande : quel est ton bilan carbone ?
L’étude relève également que les émissions de gaz à effet de serre sont avant tout fonction de l’optimisation de la logistique.
Ainsi, les transports massifiés que sont les poids lourds et les cargos réduisent les émissions par kilo transporté au regard des émissions des véhicules utilitaire légers tels que les camionnettes, par exemple.
C’est pourquoi les consommations d’énergie liées au transport et à la distribution pour un agneau élevé en Nouvelle-Zélande et commercialisé en Allemagne et pour un agneau élevé en Allemagne et commercialisé localement en vente directe « sont plutôt comparables […] malgré de grandes différences dans les distances de transport. » (Schlich et al. (2006), car les transports massifiés que sont les poids lourds et les cargos réduisent considérablement les émissions par kilo transporté
Cet exemple compare :
– un agneau néo-zélandais transporté par bateau réfrigéré sur 20 000 km (le bateau retourne ensuite en Nouvelle-Zélande à plein) puis par poids lourds avec conteneurs réfrigérés sur 400 km (retour à vide) avec
– Un agneau allemand transporté en camionnette par le producteur sur 100 km (retour à vide).
Le mode de déplacement des consommateurs joue aussi un rôle.
iii. Les circuits courts contribuent quand même à améliorer la protection de l’environnement
La fin de l’étude nous révèle cependant que les circuits courts peuvent quand même contribuer à améliorer la protection de l’environnement.
Ainsi, le producteur engagé en circuits courts peut aussi être engagé dans des schémas de production alternatifs, notamment à faible charge en intrants, voire en production biologique (les intrants chimiques ne sont pas utilisés en agriculture biologique et l’utilisation des intrants autorisés est limitée).
La formule circuit-court + faible charge en intrants est donc bonne sur le plan environnemental.
L’étude relève également que, selon un avis de l’ADEME de 2012, la commercialisation de produits locaux permet une relocalisation des impacts, ce qui est un des points forts de ce mode de commercialisation d’un point de vue environnemental, notamment pour les raisons suivantes :
– la production est soumise aux exigences réglementaires locales, souvent plus fortes en France et en Europe en matière environnementale ;
– en outre, la production locale permet d’éviter la délocalisation des impacts.
La présence d’une ceinture verte en milieu péri-urbain peut par ailleurs être présentée comme un facteur de maintien du cadre de vie et de la biodiversité.
Elle peut également jouer un rôle dans la lutte (régulation du climat grâce à la biodiversité) et l’adaptation (évapotranspiration permettant la réduction de la température de l’air par la consommation d’énergie du sol et des végétaux) au changement climatique.
Elle peut aussi favoriser la préservation de variétés locales qui ne sont pas adaptées à une commercialisation standard.
iv. Un facteur de cohésion sociale et de choix citoyens
Le CGDD souligne enfin que la commercialisation « locale » est un facteur de cohésion sociale et qu’elle incite à l’adoption de choix citoyen par le consommateur :
– les circuits courts permettent un renforcement du lien social.
– les circuits courts permettent en effet une meilleure compréhension par les producteurs et les consommateurs de leurs mondes respectifs.
– les consommateurs sont rassurés par la connaissance des conditions de production des produits et comprennent mieux les contraintes du métier d’agriculteur.
– ces circuits peuvent d’un autre côté permettre aux producteurs de trouver une motivation supplémentaire à l’exercice de leur métier.
– le consommateur devient citoyen alimentaire et réduit la passivité de ses choix alimentaires.
En définitive, ça n’est pas tant le développement des circuits courts en matière alimentaire que le CGDD remet en cause que l’idée préconçue selon laquelle ils seraient source d’un bilan carbone plus favorable du fait d’une distance parcourue par les produits moins importante.
Pour autant, d’autres avantages témoignent indéniablement de l’intérêt de leur promotion, si tant est qu’elle soit raisonnée et bien comprise.