Dans un arrêt du 22 février 2016, le Conseil d’Etat (req. 384.821) a confirmé l’annulation d’une autorisation d’exploitation (ICPE) d’une centrale de production d’électricité au motif que la société n’avait pas suffisamment justifié de ses capacités financières dans sa demande.
La Haute Assemble estime que les lettres de banque se contentant d’indiquer que le montage financier est une pratique courante sont insuffisantes.
Cet arrêt a attiré l’attention du législateur sur la possible remise en cause du mécanisme du financement de projet, pourtant très courant, dans le cas particulier ou la législation des ICPE s’applique.
I. Faits de l’espèce
La société Hambrégie, filiale à 100% de la SARL Direct Energie Génération, elle-même filiale à 100% de Direct Energie a présenté une demande d’autorisation ICPE dans laquelle elle précisait que la mise en service de la centrale impliquerait un investissement de 772 millions d’euros qui devrait être financé à hauteur de 70% environ par de la dette bancaire à long terme et de 30% de fonds propres que la société Direct Energie s’est engagée à fournir :
– Pour les 30% de fonds propres, le juge a considéré qu’une lettre d’intention de Direct Energie (maison mère de la maison mère) suffisait et était de nature à faire regarder la société-mère comme ayant pris un engagement ferme de doter sa filiale de fonds propres à hauteur des 30% prévus.
– En revanche, pour les 70% restant, les éléments fournis par la société Hambrégie, étaient les suivants :
a. Une note « sur les principes de financement de projet d’une centrale électrique au gaz » explicitant le recours à la technique du financement de projet ;
b. Des lettres de banque indiquant que le montage financier envisagé constituait une pratique courante.
II. Droit applicable
Le dernier alinéa de l’article L. 512-1 du Code de l’environnement dispose que « La délivrance de l’autorisation (…) prend en compte les capacités techniques et financières dont dispose le demandeur, à même de lui permettre de conduire son projet dans le respect des intérêts visés à l’article L. 511-1 et d’être en mesure de satisfaire aux obligations de l’article L. 512-6-1 lors de la cessation d’activité« .
III. Analyse et arrêt du Conseil d’Etat du 22 février 2016
Le Conseil d’Etat a jugé, au regard des éléments fournis par la société Hambrégie à l’appui de sa demande, que son dossier ne comportait aucun engagement précis de financement des 70 % restant (hors fonds propres). L’autorisation ICPE a donc été annulée pour ce motif.
Le Conseil d’État juge en effet que :
1. Le pétitionnaire est tenu de fournir des indications précises et étayées sur ses capacités techniques et financières à l’appui de son dossier de demande d’autorisation ICPE (articles L. 512-1, L. 512-6-1 et R. 512-3 5° du code de l’environnement)
2. L’autorisation d’exploiter une installation classée ne peut légalement être délivrée si ces conditions ne sont pas remplies
3. Dès lors, le pétitionnaire doit notamment justifier disposer de capacités techniques et financières propres ou fournies par des tiers de manière suffisamment certaine
4. Ces capacités devront tout particulièrement établir qu’il est en mesure de mener à bien son projet et d’assumer l’ensemble des exigences susceptibles de découler du fonctionnement, de la cessation éventuelle de l’exploitation et de la remise en état du site (L. 511-1 Code environnement) ainsi que les garanties de toute nature qu’il peut être appelé à constituer à cette fin (articles L. 516-1 et L. 516-2 du même code).
Le Conseil d’Etat considère qu’au regard de ces principes :
« la cour n’a pas commis d’erreur de droit en recherchant si la société Hambrégie apportait la preuve qu’elle justifiait de capacités techniques et financières suffisantes pour conduire son projet et satisfaire aux obligations résultant de l’application de la législation sur les installations classées pour la protection de l’environnement et en vérifiant, dans ce cadre, si la société apportait la preuve qu’elle disposait d’engagements fermes sur ces capacités ; que s’agissant, en particulier, des capacités financières, elle n’a pas commis d’erreur de droit en examinant si, au vu des éléments fournis par la société devant la cour, la société Hambregie pouvait être regardée comme ayant justifié d’engagements fermes de financement relatifs au projet, dès lors qu’il ressortait des motifs retenus par la cour que le pétitionnaire ne disposait pas lui-même du capital lui permettant de financer le projet en cause » (souligné par nous) (CE, 22 février 2016, 384821).
IV. Analyse
La spécificité du projet objet de l’arrêt du Conseil d’Etat du 22 février 2016 est qu’il implique un coût d’investissement très élevé (772 millions d’euros) et qu’il ne bénéficie pas, a priori, d’un tarif de rachat de l’électricité produite.
De sorte que sa transposition à d’autres projets énergétiques (parcs éoliens) n’est pas automatique.
Il n’en demeure pas moins que le Conseil d’Etat a ainsi attiré l’attention du législateur sur la possible remise en cause du mécanisme du financement de projet, pourtant très courant, dans le cas particulier ou la législation des ICPE s’applique.
Le message semble avoir été entendu car la DGPR planche d’ores et déjà sur une proposition de modification rédactionnelle.