Le 3 mars 2016, la France, la Flandre, les Pays-Bas et le Royaume-Uni ont signé un accord volontaire, dénommé « International Green deal on the North Sea Ressources Roundabout » (NSRR). Du côté français, les signataires représentants le gouvernement sont Ségolène Royal et Emmanuel Macron en personne, et les parties prenantes issues du secteur privé sont Veolia et Suez.
Ce Green Deal vise à créer des marchés pour les matières premières secondaires (MPS), en facilitant le transfert transfrontalier de ces matériaux, et en clarifiant, pour ensuite harmoniser, leur statut (déchet ou ressource) dans les législations nationales.
Quelques mois après la COP21 et la diffusion de la communication de la Commission européenne, « Boucler la boucle – Un plan d’action de l’Union européenne en faveur de l’économie circulaire », diffusée le 2 décembre 2015, cet accord fait figure de première réalisation concrète, par les Etats membres et les acteurs opérationnels, des engagements pris sur le plan politique.
I. Qu’est ce qu’un Green Deal ?
L’administration française s’intéresse depuis plusieurs années au modèle des Green Deals.
Le Green Deal est un outil de politique publique innovant utilisé aux Pays-Bas. Il prend la forme d’un contrat d’engagement volontaire co-signé par l’Etat et d’autres acteurs publics ou privés, en vue de faciliter l’expérimentation et de dupliquer les bonnes pratiques en économie circulaire.
L’institut de l’économie circulaire a publié une plaquette sur ce modèle d’accord en janvier 2016.
II. Que dit le Green Deal de la Mer du Nord du 3 mars 2016 sur les matières premières secondaires ?
Le Green Deal de la Mer du Nord du 3 mars 2016 sur les matières premières secondaires comprend :
- des considérations générales qui font figure de préambule,
- la liste des parties intéressées, signataires et participantes,
- des considérations dites « spécifiques », qui explicitent l’enjeu moteur du texte, à savoir le développement des matières premières secondaires en substitution des matières premières naturelles dans le marché européen,
- l’énumération des objectifs poursuivis par les signataires,
- les modalités de mise en œuvre de ces objectifs.
Le texte s’inscrit dans l’esprit de l’une des préconisations formulées par l’Agence Européenne de l’Environnement (EEA). L’EEA, dans un rapport publié en ce même début d’année, invitait alors au développement des « waste-as-a-ressource business models » (EEA report « Circular economy in Europe. Developing the knowledge base », No 2/2016, p. 17).
Ce Green Deal vise à créer des marchés pour les matières premières secondaires, en facilitant le transfert transfrontalier de ces matériaux, et en clarifiant, pour ensuite harmoniser, leur statut de déchet ou de ressource dans les législations nationales des pays signataires.
Pour y parvenir, l’accord prévoit l’identification des freins et leviers à la mise en place de ces échanges, à partir de l’étude de certaines filières. Ces cas concrets qui ont vocation à servir d’exemple sont énumérés limitativement en annexe du Green Deal.
On compte pour l’instant parmi ces cas de matières premières secondaires :
- le compost à usage agricole
- les métaux non ferreux issus de l’incinération des mâchefers,
- et le PVC rigide.
Cette liste limitative n’est pas exhaustive, et d’autres matières pourront être ajoutées en Annexe.
III. Quelle est la force juridique du Green Deal de la Mer du Nord du 3 mars 2016 sur les matières premières secondaires ?
Le Green Deal de la Mer du Nord du 3 mars 2016 relève exclusivement d’un accord volontaire, juridiquement non contraignant, que l’on peut classer dans la catégorie du droit « souple ».
Ainsi, d’une part, les objectifs principaux du texte « faciliter l’usage transfrontalier des matières premières secondaires » (« facilitating cross border use of secondary resources » – point 4.1 du Green Deal NSRR) ainsi que « identifier les barrières et envisager des solutions pour un nombre limité de cas spécifiques de matières premières secondaires entre plusieurs pays » (« to identify barriers and consider solutions for a limited number of specific secondary resource cases between countries » point 4.2 du Green Deal NSRR) n’emportent en soi aucune conséquence sur les dispositifs règlementaires en vigueur (notamment la Convention de Bâle, applicable dans le cas des transferts transfrontaliers de déchets).
Cela n’induit pas, non plus, d’habilitation pour une quelconque expérimentation transnationale, qui permettrait de concevoir in abstracto et d’éprouver in concreto, un cadre juridique transnational adapté à de tels business models.
A quoi s’ajoute, d’autre part, le caractère non contraignant de l’accord, véritable leitmotiv qui apparaît :
- du préambule (à plusieurs reprises de surcroît) (« Actions in the Green Deal […] are not legally enforceable» (point 1.3), puis « the actions involved are voluntary and not legally binding and so do not create rights and obligations under international or national law » (point 1.4)),
- au dernier article : « the participants may make financial contributions to support such activities under the international Green deal but are under no obligation to do so» (point 7.2) et « The international Green Deal does not create any rights or obligations under international, EU or national law » (point 7.8)
Un accord qui psalmodie l’absence de force obligatoire n’engage en définitive ni les Etats à soutenir d’éventuelles évolutions réglementaires, ni les parties prenantes du secteur privé à encourager, au-delà d’intérêts financiers immédiats, le développement de l’utilisation des matières premières secondaires.
En somme, sans force obligatoire, l’avenir de cet engagement repose tout entier sur la bonne volonté, et l’intérêt conjoncturel, des parties signataires.
En conclusion, que faut-il conclure de cette signature ? Que si la boucle de l’économie circulaire a encore du mal à se mettre en place à l’échelle européenne, la boucle des déclarations d’intention prometteuses est, quant à elle, belle et bien amorcée.
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