Une fois encore, la Cour administrative d’appel de Douai contribue à la jurisprudence élaborée sur les parcs éoliens. Dans son arrêt n° 16DA01098 du 3 novembre 2020, elle indique comment actualiser un dossier soumis à un nouvel avis de la MRAE lors de la régularisation d’une autorisation environnementale (1) et se prononce sur la validité de l’enquête publique (2). Un arrêt utile à l’ensemble des parties intéressées (opérateurs éoliens, professionnels du droits, riverains, services de l’État).
1/ Quelle actualisation du dossier avant son réexamen par le juge ?
Les parcs éoliens doivent bénéficier d’une autorisations environnementale, parfois contestée en justice par les riverains. Dans le cadre de ces recours, une fragilité juridique a été identifiée : l’absence d’autonomie de l’autorité environnementale consultée pour avis. Ce « vice de procédure » est cependant régularisable après un jugement/arrêt de sursis à statuer de la juridiction administrative.
La question se pose cependant de savoir, d’une part, s’il s‘agit d’une simple formalité ou pas, et d’autre part, quelles précautions doivent être prises par le porteur de projet dans ce cas. En effet, le juge administratif peut in fine contrôler le déroulement de la procédure de régularisation. A ce titre, selon l’avis du Conseil d’État n° 420.119 du 7 septembre 2018, le dossier de régularisation doit mettre à même la nouvelle autorité consultée pour avis (MRAE) de prendre en compte « d’éventuels changements significatifs des circonstances de fait » intervenus depuis le premier avis, parfois antérieur de plusieurs années.
Cette condition est conforme au principe selon lequel le réexamen d’une demande d’autorisation administrative précédemment annulée (ou dont le refus a été annulé) prend en considération les nouvelles circonstances de fait intervenues entre temps.
En limitant ce contrôle aux changements « significatifs », le Conseil d’État a prévu une frontière, que l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Douai du 3 novembre 2020 vient de préciser de manière concrète en indiquant notamment dans quels cas il y a lieu d’actualiser le dossier. Ces changement significatifs peuvent indifféremment concerner l’environnement du projet ou le projet lui-même.
Nouveau parcs éoliens à proximité : En pratique, la présence de nouveaux parcs éoliens autorisés ou construits depuis le dossier initial ne constitue pas automatiquement un changement significatif des circonstances de fait. Ainsi, dans l’affaire jugée, la présence de quatre nouveaux parcs éoliens n’a pas été jugée significative pour les raisons suivantes:
– deux parc seulement étant situés dans le périmètre d‘étude de 15 km ;
– composés de 5 éoliennes chacun ;
– leurs procédures d’autorisation (notamment leurs enquêtes publiques) ont pris en compte le parc régularisé pour évaluer l’effet cumulatif de saturation du paysage.
Remplacement des modèles d’éolienne du parc éolien : De même, un permis modificatif (ou un arrêté préfectoral complémentaire) ne constitue pas non plus nécessairement un changement significatif. Dans l’affaire analysée, le changement de modèle de machine (diminution de hauteur de 50 cm, modification des accès, déplacement des machines) ainsi que la suppression de deux postes de livraison ne sont pas non plus jugés significatifs. Le dossier transmis à la MRAE dans le cadre du nouvel avis n’avait donc pas à comprendre d’actualisation des études sur ces différents points.
Autres informations : Cour écarte également les critiques liées à l’absence de communication à la MRAE de:
– la réponse du porteur de projet au premier avis émis par l’autorité environnementale 7 ans plus tôt, apportant des précisions sur l’étude d’impact ;
– l’étude Natura 2000 accompagnant cette réponse, qui concluait à « l’absence d’incidences du projet éolien vis-à-vis des enjeux de conservation » et qui au surplus a été jointe au dossier d’enquête publique.
En effet, la Cour juge qu’aucun de ces deux documents n’était destiné à combler des lacunes importantes de l’étude d’impact.
Que faire si le nouvel avis de la MRAE recommande de réaliser une mise à jour de l’état initial ? La Cour valide que la recommandation formulée par la MRAE dans le cadre du nouvel avis émis peut conduire le porteur de projet à faire actualiser la partie de l’étude relative à l’état initial (biodiversité). Une fois réalisée, bien que cette actualisation mériterait d’être transmise à la MRAE, la Cour relève qu’aucune disposition du code de l’environnement ne l’impose. En revanche, l’avis et les éléments complémentaires peuvent devoir être soumis à enquête publique complémentaire.
2/ Validité de l’enquête publique initiale conduite il y a plus de 5 ans
L’arrêt se prononce également sur la validité de l’enquête publique dans le cas ou elle a été menée il y a plus de 5 ans. En effet, le code de l’environnement prévoit qu’une nouvelle enquête publique doit être réalisée lorsque les projets concernés n’ont pas été entrepris dans un délai de cinq ans à compter de la décision les autorisant (article L. 123-17 code env.). Or, il ne prévoit pas clairement qu’un recours en justice des tiers emporte également suspension de ce délai (contrairement à celui de validité de l’autorisation environnementale qui est quant à lui suspendu – art R. 181-48 code env.).
La Cour comble ce vide juridique en jugeant que l’introduction d’un recours devant la juridiction administrative contre l’acte d’autorisation a également pour effet de suspendre le délai de validité de cinq ans de l’enquête publique. Cette interprétation prétorienne importante est parfaitement conforme à l’esprit de la loi.
L’arrêt n° 16DA01098 du 3 novembre 2020 contribue à l’élaboration d’une jurisprudence soucieuse d’une juste application du droit et appropriée à la réalité des projets éoliens.