De plus en plus d’opérateurs publics ou privés s’interrogent sur l’assujettissement d’ex-déchets (redevenus produits) à la TGAP.
Comment pourrait-il en aller autrement dès lors que la France n’a pas encore adopté un cadre juridique complet et sécurisant permettant d’attester qu’à l’issue d’un processus de recyclage un déchet est redevenu un produit ? Face à cette situation, les Douanes peuvent continuer de réclamer de la TGAP sur des « ex-déchets ».
Dans une réponse ministérielle publiée au JO de l’Assemblée nationale du 14 juin 2011, le MEDDTL réagit à la question écrite n° 93398 du 16 novembre 2010.
____________________________________________________________________________________
Dans sa question, Pascal Deguilhem, député le Dordogne, soulignait l’attitude de l’administration fiscale, « en rupture avec les objectifs du grenelle de l’environnement » s’agissant de l’assujettissement à la TGAP des broyats de déchets verts utilisés pour la revégétalisation d’une ancienne décharge (SMD3). Par opposition à un produit fertilisant, et bien que les caractéristiques techniques soient identiques (compost), les Douanes estiment que le broyat est un déchet.
Fort d’une circulaire publiée au Bulletin officiel des douanes le 30 mars 2011, référencé BCRD 1108974 C, le Ministre lui répond que des composts ou des broyats de déchets verts conformes à une norme d’application obligatoire ou homologués comme amendements organiques et utilisés à ce titre dans un but de revégétalisation d’une décharge, peuvent être assimilés à des produits fertilisants.
Cette intervention soulève la question des critères techniques à retenir pour valider une sortie du statut de déchet.
Pour mémoire, selon l’ordonnance du 17 décembre 2010, transposant la directive Déchets du 19 novembre 2008, un matériau peut cesser d’être un déchet, à l’issu d’une opération de recyclage et ainsi redevenir un produit sous plusieurs conditions (le matériau doit être utilisé à des fins spécifiques ; il doit répondre à des exigences techniques, légales et aux normes relatives aux produits ; son utilisation ne doit pas avoir d’effets nocifs aux plans sanitaires et environnementaux; un marché doit exister).
Article L. 541-4-3 du Code de l’Environnement :
« Un déchet cesse d’être un déchet après avoir été traité dans une installation (…) et avoir subi une opération de valorisation, notamment de recyclage ou de préparation en vue de la réutilisation, s’il répond à des critères remplissant l’ensemble des conditions suivantes :
– la substance ou l’objet est couramment utilisé à des fins spécifiques ;
– il existe une demande pour une telle substance ou objet ou elle répond à un marché ;
– la substance ou l’objet remplit les exigences techniques aux fins spécifiques et respecte la législation et les normes applicables aux produits ;
– son utilisation n’aura pas d’effets globaux nocifs pour l’environnement ou la santé humaine.
Ces critères sont fixés par l’autorité administrative compétente. Ils comprennent le cas échéant des teneurs limites en substances polluantes et sont fixés en prenant en compte les effets nocifs des substances ou de l’objet sur l’environnement. Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret« .
La question de la TGAP révèle l’ampleur des besoins. En effet, la récente circulaire des Douanes du 30 mars 2011 aborde le sujet de manière très prudente.
Sont exonérées de TGAP « Les installations d’élimination exclusivement affectées à la valorisation comme matière » (point 1 du II de l’article 266 sexies du code des douanes). La valorisation comme matière s’entend de l’incorporation des déchets dans un processus de production ou tout autre procédé aboutissant a la vente de matériaux. Mais ce texte est-il réellement à jour ?
D’abord, la notion d’ « installation d’élimination » semble peu appropriée. Désormais, l’élimination des déchets n’intervient qu’en dernier ressort, car la priorité est d’abord donnée à leur réutilisation, leur recyclage, puis leur valorisation, notamment énergétique (art. L. 541-1 C. Environnement). Ensuite, quid des installations qui sont seulement partiellement affectées à de la valorisation ? (mâchefers produits pour contribuer à la remise en état par exemple ?).
La question n’est pas seulement celle d’assurer la compatibilité de la fiscalité dite « verte » avec les objectifs du Grenelle de l’environnement mais également de l’adapter au droit de l’Union.