Le Tribunal administratif de Grenoble a rendu en mai 2011 un jugement qui fait débat s’agissant des conditions dans lesquelles une commune peut recourir à la procédure de révision simplifiée de son PLU pour un grand projet d’aménagement urbain (TA Grenoble, 16 mai 2011, M. Vincent C. et autres, req. n° 0905771, 0905772, 0905778 et 1001634).
Outre le critère légal de l’intérêt général, le juge administratif semble ajouter un critère prétorien tiré du caractère ponctuel de l’opération dans le temps. Décryptages.
Question posée : Une commune peut-elle recourir à une procédure de révision simplifiée de son document d’urbanisme (PLU) pour autoriser la création d’une ZAC de 0,8 million de m² de SHON sur 13 % de son territoire ?
Réponse (du Tribunal administratif de Grenoble) : Non
Motifs : Le critère de l’ « intérêt général » devant justifier la procédure simplifiée (article L. 123-13 du Code de l’urbanisme) ne peut pas être satisfait dès lors que le programme de construction représente 830.000 m² de Surface hors œuvre nette (SHON) et que sa réalisation s’échelonnera jusqu’en 2033.
Conséquences : Annulation de tout le projet d’aménagement du quartier de la presqu’île de Grenoble (10.000 habitants à terme – de Portzamparc architecte en chef)
Dommages collatéraux : Annulation du dossier de réalisation de la ZAC de la presqu’île.
Que dit exactement l’article L. 123-13 du Code de l’urbanisme ?: « (…) Lorsque la révision a pour seul objet la réalisation d’une construction ou d’une opération, à caractère public ou privé, présentant un intérêt général notamment pour la commune ou toute autre collectivité, elle peut, à l’initiative du président de l’établissement public de coopération intercommunale ou, dans le cas prévu par le deuxième alinéa de l’article L. 123-6, du maire, être effectuée selon une procédure simplifiée. La révision simplifiée donne lieu à un examen conjoint des personnes publiques associées mentionnées à l’article L. 123-9. Le dossier de l’enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l’environnement est complété par une notice présentant la construction ou l’opération d’intérêt général. (…)° »
Avis : Selon le jugement commenté, pour apprécier la réalité de l’intérêt général de l’opération, la collectivité publique devrait en garantir la réalisation à brève échéance.
La réponse n’allait pas de soi. En effet, une réponse ministérielle du 12 avril 2005 à la question posée par Mme Marie-Jo Zimmermann, députée, souligne que l’article L. 123-13 du code de l‘urbanisme implique que le projet soit identifié pour justifier la révision. Cependant, par la suite, « tout projet qui sera compatible avec ces nouvelles règles pourra donc être autorisé, qu’il s’agisse du projet ayant nécessité la révision ou d’un tout autre projet » (Rép. min n° 57173 ; 1er avr. 2005 : JOAN Q, 12 avr. 2004 p. 3816). Ainsi, le projet pourrait changer après coup, à la condition que le nouveau projet présente également un intérêt général.
En l’espèce, le Tribunal administratif de Grenoble retient des critères plus étroits : une révision simplifiée d’un PLU doit correspondre à une opération ponctuelle, y compris dans le temps. On peut se demander si le juge administratif n’a pas ajouté un critère prétorien à l’article L. 123-13 du Code de l’urbanisme.
Ce contrôle est plus strict que celui exercé sur la légalité d’une Déclaration d’utilité (DUP) publique. Dans un tel cas, en effet, la personne publique n’a pas l’obligation de prouver au juge administratif qu’elle mettra bien en œuvre la DUP dans un délai déterminé.
(TA Grenoble, 16 mai 2011, M. Vincent C. et autres, req. n° 0905771, 0905772, 0905778 et 1001634)