La fiscalité environnementale est un outil des politiques environnementales destiné à favoriser les comportements vertueux. Contrairement aux autres instruments fiscaux, elle n’a pas principalement vocation à financer les besoins (et les dépenses) de l’État et des collectivités publiques.
La publication au JO (30 juin) du décret du 28 juin 2011 fixant les conditions permettant de déterminer si les mâchefers sont ou non exonérés de TGAP témoigne, avec la circulaire des Douanes du 30 mars 2011, de la difficulté à se doter d’une fiscalité environnementale réellement incitative.
En effet, selon ces deux textes, l’exploitant d’un centre de stockage est incité à enfouir les mâchefers (pas de TGAP) plutôt qu’à les recycler à des fins de couverture (TGAP). A l’heure de la société du recyclage, ce dispositif ne favorise pas les comportements vertueux.
La taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), instituée le 1er janvier 1999, a été conçue pour modifier les comportements dans un sens plus favorable à l’environnement. Elle porte sur huit catégories d’activités polluantes. Pour les déchets, le fait générateur de la TGAP est leur réception dans une installation de stockage de déchets ménagers et assimilés.
Le décret du 28 juin 2011 et la circulaire du 30 mars 2011 témoignent de la difficulté à se doter d’une fiscalité environnementale réellement incitative, s’agissant des mâchefers.
1. Les mâchefers sont des résidus non dangereux provenant des fours d’incinération de déchets ménagers et assimilés. Ils peuvent être valorisés. Jusqu’à cette année, les mâchefers stockés en Centre de stockage de déchets non dangereux (CSDnD ou classe 2) étaient soumis à la TGAP. Ainsi, les mâchefers étaient taxés deux fois : d’abord sur le volume de déchets entrant dans l’usine d’incinération ; ensuite lors de leur stockage en centre d’enfouissement.
Cette double taxation a été corrigée par la loi de finances rectificative pour 2010 : « Le tarif applicable aux déchets réceptionnés dans une installation de stockage de déchets ménagers et assimilés ne s’applique pas aux résidus de traitement des installations de traitement de déchets assujetties à la taxe générale sur les activités polluantes lorsque ceux-ci ne peuvent faire l’objet d’aucune valorisation pour des raisons techniques définies par décret ; à défaut de publication de ce décret dans les six mois suivant la promulgation de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, la taxe ne s’applique pas auxdits résidus » (4 bis de l’article 266 nonies du Code des douanes).
Selon ce texte, des mâchefers non valorisables enfouis dans un centre de stockage de déchets non dangereux (CSDnD) ne sont pas soumis à la TGAP. Le décret du 28 juin 2011 vient d’être pris pour son application. Il fixe les conditions techniques permettant de déterminer si les mâchefers peuvent ou non faire l’objet d’une valorisation. Selon les cas, les mâchefers seront exonérés de TGAP.
En pratique, divers paramètres devront être analysés, tel que le comportement à la lixiviation selon la teneur en éléments polluants (carbone, benzène, tolluène). En outre, les mâchefers devront faire l’objet de bordereaux de suivi des déchets, tenus à la disposition de l’Inspection des installations classées et du service chargé du contrôle de la TGAP.
En définitive, pour éviter une double taxation, les exploitants de centre de stockage n’auront plus à payer de TGAP pour l’enfouissement de mâchefers ayant vocation à rester des déchets (car non valorisables).
2. Tout au contraire, d’après la circulaire du 30 mars 2011, les mâchefers valorisables sont à intégrer dans l’assiette de la TGAP : « [33] Les mâchefers sont des résidus incombustibles solides des déchets, récupérés en sortie du four d’incinération. Ce ne sont pas des déchets inertes, au sens du III de l’article 266 sexies du code des douanes, pouvant bénéficier de l’exonération de 20 %. L’utilisation de mâchefers a des fins de couverture périodique des déchets pour réduire les émissions d’odeurs et les envols de déchets ne remet pas en cause son caractère de déchet taxable. La circulaire 94 IV 1 du 19 mai 1994 de la direction de la prévention des pollutions et des risques (DPPR) définit les conditions dans lesquelles les mâchefers peuvent être utilises en travaux publics mais elle n’exonère pas de TGAP la réception de mâchefers dans un CSDnD ».
En effet, d’après la circulaire 94 IV 1 du 19 mai 1994, les mâchefers valorisables (V) peuvent être utilisés pour des travaux publics (en sous-couche routière). Dans ce cas, on doit considérer que le mâchefer a quitté le statut de déchet pour redevenir un « produit » s’il répond aux critères prévus par l’article L.541-4-3 du code de l’environnement pour considérer qu’un déchet cesse d’être un déchet :
– la substance ou l’objet doit couramment être utilisée à des fins spécifiques ;
– il doit exister une demande pour une telle substance ou objet ou elle répond à un marché ;
– la substance ou l’objet doit remplir les exigences techniques aux fins spécifiques et respecter la législation et les normes applicables aux produits ;
– son utilisation ne doit pas avoir d’effets globaux nocifs pour l’environnement ou la santé humain.
Néanmoins, selon la circulaire des douanes du 30 mars 2011, le même mâchefer valorisable (mêmes caractéristiques techniques) n’est plus un produit s’il est utilisé dans un centre de stockage de déchets non dangereux comme couverture (notamment pour réduire les émissions d’odeurs et les envols de déchets).
Pourtant, dans un tel cas, le mâchefer remplace de la terre végétale ou, au minimum, un déchet inerte. Or, la circulaire exonère les déchets inertes (définis au III de l’article 266 sexies du code des douanes) de la TGAP dans la limite de 20 % de la quantité annuelle totale de déchets reçus par installation. Cette distinction subtile s’explique sans doute parce que les mâchefers valorisables ne sont pas exactement des « déchets qui ne se décomposent pas, ne brûlent pas et ne produisent aucune autre réaction physique ou chimique, ne sont pas biodégradables et ne détériorent pas d’autres matières avec lesquelles ils entrent en contact » au sens du III de l’article 266 sexies du code des douanes.
Il n’en demeure pas moins que la circulaire du 30 mars 2011 soumet tous les mâchefers valorisés en centre de stockage à la TGAP, quand bien même ils représenteraient moins de 20 % des déchets reçus.
En définitive l’exploitant d’un centre de stockage :
a. devra payer de la TGAP s’il valorise des mâchefers à des fins de couverture (à la place de terre végétale par exemple)
b. au contraire, sera exonéré de TGAP pour l’enfouissement de mâchefers non valorisables
Voilà un dispositif fiscal qui devrait inciter à ne pas recycler les mâchefers dans les centres de stockage. A l’heure de la société du recyclage, peut-on y voir une fiscalité environnementale réellement incitative de comportements vertueux ?