NIMBY : Not in my backyard (pas devant chez moi). On connaissait les effets (dévastateurs) de ce credo sur les parcs éoliens, les centres d’enfouissement de déchets ou encore les parcs photovoltaïques au sol. Voilà à présent que la toute jeune filière de la méthanisation en subit à son tour les conséquences.
Dans une perspective d’augmenter la part des énergies renouvelables, le tarif d’achat de l’électricité produite à partir de biogaz a été récemment rehaussé. Cependant, un récent exemple (site de La Harmoye près de Saint-Brieuc dans les Côtes-d’Armor) montre que le préfet, compétent pour délivrer le permis de construire, est parfois plus sensible aux considérations locales que nationales. Résultat : le permis a été refusé.
Par un arrêté du 21 juillet 2011, le préfet des Côtes-d’Armor a refusé un permis de construire sollicité pour la réalisation d’une centrale à biogaz (produit à partir de la méthanisation de déchets agricoles) à La Harmoye. Ce projet d’unité industrielle de méthanisation représente 10 millions d’euros d’investissement pour une capacité annuelle de traitement annoncée de l’ordre de 50 000 tonnes de déchets organiques issus des élevages, transformés en biogaz ensuite revendu à ERDF.
Selon les informations communiquées, ce refus de permis est intervenu quelques jours après une manifestation bruyante d’opposants au projet.
Pourtant, cette opération s’appuyait sur la forte volonté du Ministère de l’écologie de promouvoir les installations de combustion de biogaz issu d’installations de méthanisation, afin d’atteindre les objectifs fixés pour 2020 :
1. Possibilité d’installer ces équipements en zone agricole depuis l’article L.311-1 du code rural, modifié par la loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche, selon lequel sont « agricole » les activités de « production et, le cas échéant, de la commercialisation, par un ou plusieurs exploitants agricoles, de biogaz, d’électricité et de chaleur par la méthanisation, lorsque cette production est issue pour au moins 50 % de matières provenant de ces exploitations ».
2. Hausse du tarif de rachat de l’électricité produite par les installations (de 20% par rapport au tarif instauré en 2006) :
– biogazdégagé par la combustion ou l’explosion de gaz résultant de la décomposition ou de la fermentation de produits, déchets et résidus provenant de l’agriculture (comprenant les substances végétales et animales), de la sylviculture et des industries connexes (comprenant les industries agroalimentaires) ou du traitement des eaux : arrêté du 19 mai 2011
– biogazdégagé par la combustion de matières non fossiles d’origine végétale ou animale : arrêté du 27 janvier 2011
3. Refonte de la nomenclature ICPE applicable à ces activités(rubriques n° 2781-1 et 2910-C) En particulier, les installations de méthanisation s’effectuant à partir de matière végétale brute, effluents d’élevage, matières stercoraires, lactosérum et déchets végétaux d’industries agroalimentaires (rubrique 2781-1 ) peuvent être soumises au régime de l’enregistrement depuis le décret n°2010-875 du 26 juillet 2010 et l’arrêté du 12 août 2010.
Fort de cette politique volontariste, l’Ademe a estimé que 150 à 200 unités seront mises en service d’ici 2015.
C’était sans compter l’éternel débat entre les objectifs nationaux et leur mise en œuvre locale. Il est vrai qu’une unité de méthanisation de 10 M d’€ ressemble plus à une usine qu’à une exploitation agricole. Mais ce sujet – plus esthétique que juridique – relève en réalité essentiellement de la planification urbaine, péri-urbaine et rurale. Le droit à la tranquillité et au paysage des « néo-ruraux » doit-il l’emporter sur celui des exploitants agricoles ?
Là, encore, les allemands (par exemple) se posent moins de questions puisqu’on décompte 5.000 unités de méthanisation Outre-Rhin pour 30 en France. C’est pourtant Jacques ELLUL, professeur d’histoire du droit, théologien et sociologue français, qui est crédité de la célèbre phrase « Think Globally, Act Locally ». A méditer par les services déconcentrés de l’état.