Les députés Christophe BOUILLON et M. Michel HAVARD ont rendu, le 26 octobre 2011, un rapport d’information, fort intéressant et fort complet, sur « la gestion durable des matières premières minérales » (au nom de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée Nationale).
Ils concluent notamment qu’il conviendrait d’imposer un taux d’incorporation de matières premières secondaires (déchets recyclés en produits) dans les produits finis.
Voilà qui devrait fournir des idées au MEDDTL, chargé de favoriser la « société du recyclage » (cad un mode de développement économe en consommation des ressources naturelles non renouvelables), et qui en manque cruellement.
Pour illustrer leur propos, nos auteurs ont raisonnablement choisis de s’en tenir à une filière du recyclage : celle des métaux. Elle permet de cumuler deux enjeux stratégiques :
– La sécurisation de nos approvisionnements traditionnels
– La promotion d’une industrie du recyclage efficace « afin de mettre en œuvre une production durable et une consommation soutenable ».
Nous nous consacrerons ci-après à ce denier point. En effet, les constats et les conclusions du rapport Bouillon – Havard peuvent être extrapolés à toutes les filières du recyclage des déchets, notamment celles des matériaux inertes (déconstruction du BTP). On peut à cet égard relever deux propositions parmi les nombreuses idées de ce volumineux travail.
1. Lutter contre la fuite des déchets
Pour lutter contre la fuite des déchets, les auteurs proposent de :
– refondre le statut de sortie de déchet au niveau international,
– limiter l’exportation des déchets bruts ou partiellement traités hors du territoire de l’Union européenne, et ce dès lors qu’un traitement de recyclage est possible sur le sol européen.
Ils relèvent que la Convention de Bâle et le droit communautaire ne permettent pas d’endiguer la fuite des déchets et des matières premières secondaires non affinées vers les pays émergents, privant ainsi l’industrie européenne d’une ressource essentielle au développement de la filière du recyclage
2. Créer les débouchés pour les matières premières secondaires
A ce titre, nos auteurs proposent d’ :
– Utiliser au mieux les possibilités offertes par le code des marchés publics afin d’inclure le taux d’incorporation des matières premières secondaires dans les produits finis dans l’éventail des critères techniques : le code des marchés publics mentionne de nombreux critères techniques pouvant figurer dans les appels d’offre, notamment la qualité, les performances en matière de protection de l’environnement, le coût global d’utilisation, le caractère innovant, cette liste n’étant pas limitative et devant être adaptée à l’objet du marché.
– Inciter la Commission européenne à la création d’un label « recyclage », permettant de garantir la qualité du recycleur, de la matière première secondaire produite et du procédé de traitement : mise en place de certificats spécifiques aux métaux.
– Inciter la Commission européenne à imposer un taux d’incorporation de matières premières secondaires dans les produits finis, par exemple par l’inclusion d’une composante matières premières dans la directive Eco-conception. En effet, la réglementation communautaire énonce des objectifs de valorisation sans tenir compte des matières recyclées. La directive Eco-conception favorise les produits faiblement consommateur d’énergie : il faut aller plus loin.
– Inviter la Commission européenne à affiner les critères de recyclage des directives en imposant une part de métaux à recycler dans les taux globaux et à inclure à terme l’éco-conception dans les critères du marquage « CE ».
3. Des conclusions valant pour toutes les filières de recyclage et de valorisation des déchet
Selon nous, ces recommandations pourront être généralisées à toutes les filières efficaces et sécurisées de recyclage des déchets. Ce faisant, elles permettront de garantir, en pratique, la difficile mise en œuvre de la directive européenne cadre sur les Déchets du 19 novembre 2008, instaurant une « société du recyclage » (dont l’avantage est notamment d’économiser les ressources non renouvelables dans l’intérêt des généraltions futures).
Voilà à présent des propositions qui devraient faire avancer le sujet. Elles impliquent cependant de déterminer de manière rapide et cohérente des critères concrets de sortie de statut de déchets. En effet, c’est la « sortie de statut de déchet » qui permet de requalifier un déchet en produit (matière première secondaire) et, donc, de le remettre sur le marché.
Or, aux dernières Assises des Déchets à Nantes, le MEDDTL a curieusement affirmé que la « sortie de statut de déchet » resterait facultative quelles que soient les filières. Du reste, le décret d’application se fait toujours attendre.