Le verdissement du droit de l’urbanisme est en marche. A deux semaines de la conférence environnementale, retour sur l’important décret n° 2012-995 du 23 août 2012 relatif à l’évaluation environnementale des documents d’urbanisme paru fin aout au Journal Officiel.
Ce texte entrera en vigueur dans 5 mois (le 1er février 2013) et va bouleverser les conditions d’élaboration de nombreux documents d’urbanisme.
Cette réforme a non seulement des effets sur les collectivités territoriales compétentes mais aussi sur les opérateurs privés menant des opérations soumises à permis de construire sur la base de PLU révisés.
Rappelons tout d’abord que l’évaluation environnementale est au document d’urbanisme et de planification ce que l’étude d’impact est à une opération de travaux ou d’aménagement.
La réglementation adoptée par la France en application de la Directive européenne dite « plans programmes » du 27 juin 2001 a été jugée insuffisante, ce qui a conduit à cette nouvelle réforme.
Précisons ensuite que le présent décret n° 2019-995 du 23 août 2012 applicable aux documents d’urbanisme fait suite à une autre décret n° 2012-616 du 2 mai 2012 relatif à l’évaluation de certains plans et documents ayant une incidence sur l’environnement (ce précédent décret est commenté là).
i. Un champ d’application étendu de l’évaluation environnementale
Le nouveau dispositif a pour effet d’élargir le champ d’application de l’évaluation environnementale. Il introduit la procédure au cas par cas, ce qui implique un pouvoir d’appréciation de l’administration et un contrôle du juge (article R. 124-14 du C urb).
a. Font d’abord l’objet d’une évaluation environnementale :
«1° Les directives territoriales d’aménagement et de développement durables : inchangé
2° Le schéma directeur de la région d’Ile-de-France : inchangé
3° Les schémas d’aménagement régionaux des régions d’outre-mer: inchangé
4° Le plan d’aménagement et de développement durable de Corse : inchangé
5° Les schémas de cohérence territoriale : inchangé
6° les schémas de secteur et les plans locaux d’urbanisme intercommunaux comprenant les dispositions d’un schéma de cohérence territoriale : nouveau
7° Les plans locaux d’urbanisme intercommunaux qui tiennent lieu de plans de déplacements urbains : nouveau
8° Les prescriptions particulières de massif : nouveau
9° Les schémas d’aménagement prévus à l’article L. 146-6-1 : nouveau
10° Les cartes communales dont le territoire comprend en tout ou partie un site Natura 2000 : nouveau
b. Font également l’objet d’une évaluation environnementale les documents d’urbanisme suivants, à l’occasion de leur élaboration :
1° Les plans locaux d’urbanisme dont le territoire comprend en tout ou partie un site Natura 2000 (au lieu de « qui permettent la réalisation de travaux, ouvrages ou aménagements mentionnés à l’article L. 414-4 du code de l’environnement »)
2° Les plans locaux d’urbanisme couvrant le territoire d’au moins une commune littorale au sens de l’article L. 321-2 du code de l’environnement : nouveau (le seuil de création d’une zone urbanisable de plus de 50 ha a été supprimé)
3° Les plans locaux d’urbanisme situés en zone de montagne qui prévoient la réalisation d’une unité touristique nouvelle soumise à autorisation en application de la loi montagne : inchangé
De même, le seuil général de PLU portant sur un territoire de 5 000 hectares et comprenant une population supérieure ou égale à 10 000 habitants a aussi été supprimé, tout comme celui de la création de zones urbanisables de plus de 200 ha en zones agricoles ou naturelles
c. Font enfin l’objet d’une évaluation environnementale, après un examen au cas par cas, à l’occasion de leur élaboration :
1° Les plans locaux d’urbanisme « susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement » au sens la directive « plans programmes » du 27 juin 2001 : nouveau
Cette notion n’étant pas réglementairement définie, il appartiendra au juge administratif de la préciser et on peut s’attendre à des procédures.
2° Les cartes communales de communes limitrophes d’une commune dont le territoire comprend en tout ou partie un site Natura 2000, s’il est établi qu’elles sont « susceptibles d’affecter de manière significative » un site Natura 2000, individuellement ou en raison de leurs effets cumulés : nouveau
ii. Des dérogations moins nombreuses et plus complexes
Les cas d’application en cas d’évolution des documents d’urbanisme sont particulièrement nombreux et complexes.
Jusqu’à présent, les révisions simplifiées de PLU étaient dispensées d’évaluation environnementale. La procédure de révision simplifiée a désormais disparu et a été remplacée peu ou prou par celle de la déclaration de projet. Or, cette nouvelle procédure peut dans certains cas conduire à une évaluation environnementale.
L’évaluation environnementale s’imposera notamment en cas :
1. d’ « évolution » (cad aussi bien révision que modification) des documents d’urbanismes (SCOT, PLU, carte communale etc…) permettant « la réalisation de travaux, aménagements, ouvrages ou installations susceptibles d’affecter de manière significative un site Natura 2000 »
2° de modifications, révisions et déclarations de projet relatives aux DTA, SDR IDF et PADD Corse et OM portant atteinte à l’économie générale du document
3° En ce qui concerne les SCoT : toutes les révisions et les déclarations de projet portant atteinte aux orientations définies par le PADD
4° En ce qui concerne les PLU valant PDU, affectant un site Natura 2000 ou situés en zone littorale : toutes les révisions et les déclarations de projet changeant les orientations définies par le PADD, réduisant un EBC, une zone agricole ou une zone naturelle et forestière ou encore une protection édictée en raison des risques de nuisance, de la qualité des sites, des paysages ou des milieux naturels, ou d’une évolution de nature à induire de graves risques de nuisance.
5° En ce qui concerne les PLU autorisant une UTN en zone de montagne : toutes les révisions et modifications
5. En ce qui concerne les PLU « susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement » au sens la directive « plans programmes » du 27 juin 2001 : les révisions et les déclarations de projet « susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement »…
La plus grande vigilance est donc de mise, tant les hypothèses sont nombreuses et complexes.
iii. Quelle solidité juridique ?
La question de la fragilité juridique de ce nouveau dispositif reste cependant posée.
En effet, il concerne des documents susceptibles d’avoir une incidence notable sur l’environnement (communes situées en zone de loi montagne, loi littorale ou Natura 2000).
Or, dans un tel cas, le Conseil constitutionnel vient à plusieurs reprises de rappeler que la loi devait prévoir un mécanisme de concertation suffisante avec le public.
Tel n’est pas le cas en l’espèce, puisque le projet a seulement été rendu accessible sur le site internet du ministère, ce qui a été jugé comme insuffisant par les Sages de la rue Montpensier (là et là).
En définitive, et malgré une certaine fragilité juridique, les évolutions de documents d’urbanisme devront être précédées d’un examen très attentif.
Cette recommandation vaut aussi bien pour les collectivités publiques que pour les opérateurs privés demandant des autorisations d’urbanisme sur la base de documents révisés.