Un jugement du Tribunal de Grande Instance de Montpellier du 17 septembre 2013 vient d’ordonner la démolition de 10 éoliennes dans le Pas-de-Calais.
Pour autant, il s’agit d’un cas très spécifique et il ne peut pas en être déduit qu’il ferait jurisprudence.
Actu-Environnement a bien voulu m’interroger à ce titre et je vous propose de lire l’interview ici.
Bien sûr, il est difficile de résumer en quelques lignes toute la subtilité du contentieux de la démolition.
On ajoutera donc ci-après à ce propos que le droit de la démolition dépend des conditions de réalisation du parc éolien, selon qu’il a été implanté régulièrement ou pas et qu’il a respecté son permis de construire.
Explications.
1. Pour les parcs éoliens implantés régulièrement et conformément à un permis de construire, selon la volonté du législateur, l’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme encadre les actions en démolition devant le juge judiciaire (c’est à dire civil et pénal) et dispose :
« Lorsqu’une construction a été édifiée conformément à un permis de construire :
a) Le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l’ordre judiciaire à la démolir du fait de la méconnaissance des règles d’urbanisme ou des servitudes d’utilité publique que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative. L’action en démolition doit être engagée au plus tard dans le délai de deux ans qui suit la décision devenue définitive de la juridiction administrative ;
b) Le constructeur ne peut être condamné par un tribunal de l’ordre judiciaire à des dommages et intérêts que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir ou si son illégalité a été constatée par la juridiction administrative. L’action en responsabilité civile doit être engagée au plus tard deux ans après l’achèvement des travaux.
Lorsque l’achèvement des travaux est intervenu avant la publication de la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement, la prescription antérieure continue à courir selon son régime« .
Cet encadrement législatif ne vaut cependant que pour les constructions conformes à leur permis de construire.
Il fait suite au rapport Pelletier de 2005 qui avait pour objectif de sécuriser les autorisations de construire.
Dans un récent arrêt du 14 mai 2013, la 3ème chambre civile de la Cour de Cassation a jugé que c’est l’annulation du permis de construire par la juridiction administrative qui a pour conséquence d’autoriser la démolition. Or, l’action du propriétaire voisin était menée sur le double fondement des troubles anormaux de voisinage et de l’article L. 480-13 a) du code de l’urbanisme.
2. Pour les ouvrages implantés irrégulièrement ou de manière non conforme à un permis de construire, la situation est différente
Le juge judiciaire conserve une compétence plus large en cas d’implantation irrégulière.
Pour autant, dans la mesure ou les éoliennes relèvent désormais de la législation des ICPE (celles de plus de 50 mètres pour lesquelles la déclaration d’antériorité a bien été effectuée), le juge judiciaire ne peut pas ordonner la fermeture ou la démolition de ces ouvrages.
En effet, dans ce cas particulier, « les tribunaux judiciaires ont compétence pour se prononcer tant sur les dommages-intérêts à allouer aux tiers lésés par le voisinage d’un établissement dangereux, insalubre ou incommode, que sur les mesures propres à faire cesser le préjudice qu’il pourrait causer dans l’avenir, à la condition que ces mesures ne contrarient point les prescriptions édictées par l’administration dans l’intérêt de la sûreté et de la salubrité publique» (Cass. civ. 1ère, 13 juillet 2004 : Bull. civ. I,n° 209, pourvoi n° 02-15176).
Une série d’arrêts du Tribunal des Conflits du 14 mai 2012, rendus à propos d’antennes de téléphonie mobile, fait application de ce principe : « le juge judiciaire reste compétent, sous réserve d’une éventuelle question préjudicielle, pour connaître des litiges opposant un opérateur de communications électroniques à des usagers ou à des tiers (…) aux fins de faire cesser les troubles anormaux de voisinage liés à une implantation irrégulière ou un fonctionnement non conforme aux prescriptions administratives ou à la preuve de nuisances et inconvénients anormaux autres que ceux afférents à la protection de la santé« .
Voilà un argument de poids en faveur du classement des éoliennes dans la police spéciale des ICPE.