Environnement Magazine a bien voulu m’interviewer à propos de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, adoptée le 17 août 2015.
Environnement Magazine : Le statut actuel du déchet est-il adapté à la mise en place d’une économie circulaire ?
Carl ENCKELL : Non. Par son statut juridique, le déchet se définit essentiellement au regard de préoccupations d’innocuité sanitaire et environnementale. Dans un modèle d’économie linéaire, le déchet est un rebut auquel sont attachés des mesures et des principes juridiques contraignants. Il s’agit par exemple des principes de traçabilité, de responsabilité élargie du producteur et du pollueur-payeur. Mais si l’on veut appréhender le déchet comme une nouvelle matière première, il faut raisonner avec un autre cadre juridique. Le statut actuel du déchet a l’effet pervers de favoriser l’enfouissement et l’incinération, plus sûrs juridiquement car offrant la garantie que le professionnel chargé de son élimination en assume la responsabilité. Il faut changer la donne. Si l’on dit que les déchets sont des ressources, on ne peut plus confier l’exclusivité de la définition du cadre juridique à l’administration chargé de la protection de l’environnement.
Environnement Magazine : Que pensez-vous du volet économie circulaire de la loi sur la transition énergétique ?
Carl ENCKELL : Le grand nombre d’articles et d’amendements témoignent du grand intérêt que porte la société pour ce sujet. Plusieurs mesures sont intéressantes, mais le législateur fonctionne par objectifs.
On n’a pas de garantie qu’ils seront atteints. Ainsi, l’objectif de 70 % de recyclage des déchets du BTP à l’horizon 2020 vient seulement d’être transposé dans cette loi alors qu’il existe depuis sept ans en droit européen. Heureusement, certains décrets d’application sont déjà prêts. C’est le cas de l’obligation faite aux vendeurs de matériaux de construction de prévoir des points de collecte à proximité de lieux de vente. Il s’agit d’une mesure importante car les déchets du BTP représentent 270 millions de tonnes par an et sont de loin le premier gisement de déchets. Cela traduit une véritable volonté de mettre en oeuvre rapidement la loi.
Environnement Magazine : Qu’est-ce qui aurait pu être amélioré ?
Carl ENCKELL : Certaines mesures n’ont pas été prises, notamment sur la fiscalité des déchets. Si l’on s’inscrit dans une logique punitive, il faudrait imposer la TGAP au stockage des déchets inertes, ce qui n’est pas le cas en France à l’inverse des autres États européens. Certains, comme les Pays-Bas, ont été jusqu’à interdire le stockage des inertes. Si l’on opte pour une fiscalité incitative, il faudrait imaginer une TVA plus favorable aux matériaux issus de déchets recyclés ou valorisés au sens large. Il existe une série d’exonérations de TVA dans le Code général des impôts, pour les énergies renouvelables par exemple. Un système équivalent pourrait être adopté.
Pour accéder à l’interview, c’est ici (page 10).