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Autorisation unique des installations énergétiques : le décret est légal (Arrêt Conseil d’Etat du 30 décembre 2015)

par | 7 Jan 2016

Dans un arrêt rendu le 30 décembre 2015 par les 6ème et 1ère sous-sections réunies, le Conseil d’Etat vient de rejeter, assez sèchement, le recours déposé par plusieurs associations anti-éolien contre le décret du 2 mai 2014 relatif à l’expérimentation d’une autorisation unique en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement.

Le Conseil valide notamment les formalités de publicité simplifiées et le délai de recours réduit (deux mois) prévus contre les autorisations uniques, qui semblaient soulever les questions juridiques les plus sérieuses (CE, 30 décembre 2015, req. n° 380503).

Nous vous proposons de prendre connaissance de notre analyse à propos de cet important arrêt.

1.Contexte

La nouvelle procédure d’octroi de l’autorisation unique en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement (autrement dit permis environnemental ou permis unique) a réuni contre elle plusieurs associations anti-éoliennes, notamment par ce qu’elle est destinée à faciliter l’octroi des autorisations de construction et d’exploitation des parcs éoliens.

On rappellera pour mémoire que la nouvelle procédure d’autorisation unique a été introduite par une ordonnance du 21 mars 2014 prise sur le fondement d’une habilitation législative (loi du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et à sécuriser la vie des entreprises).

C’est dans ce contexte que l’association Fédération environnement durable, l’association Vent de colère, l’association Vieilles maisons françaises et autres ont demandé au Conseil d’Etat d’annuler le décret n° 2014-450 du 2 mai 2014 relatif à l’expérimentation d’une autorisation unique en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement.

Dans son arrêt du 30 décembre 2015, le Conseil vient de rejeter, assez sèchement, ce recours (CE, 30 décembre 2015, req. n° 380503).

Les griefs des requérants étaient principalement dirigés contre le titre premier du décret, relatif à certaines installations de production d’énergie renouvelable, et plus particulièrement contre les nouvelles formalités de publicité et de recours des autorisations relatives aux parcs éoliens.

L’autorisation unique pour ces projets énergétiques réunit l’ensemble des autorisations nécessaires à la réalisation d’un projet : autorisation ICPE, permis de construire, autorisation de défrichement, dérogation à l’interdiction de destruction d’espèces protégées (le cas échéant) et autorisation au titre du code de l’énergie.

Le décret attaqué du 2 mai 2014 a pour objet de préciser les conditions d’application du régime de l’autorisation unique et, notamment, de prévoir les modalités de délivrance de cette nouvelle catégorie d’autorisation.

2. Analyse de l’arrêt du Conseil d’Etat du 30 décembre 2015

a. Formalités de publicité et délai de recours des tiers contre l’autorisation unique de certaines installations énergétiques (parcs éoliens notamment)

En pratique, avec l’autorisation unique, les tiers disposent d’un délai de recours de 2 mois à compter de la plus tardive de ces formalités :

– la publication au recueil des actes administratifs de la décision

– l’affichage en mairie dans les formes prévues aux articles R. 512-39 (à savoir un extrait de l’arrêté, pendant un mois au minimum

– la publication d’un avis, inséré par les soins du préfet et aux frais de l’exploitant, dans un journal du département intéressé

– éventuellement, la publication sur le site internet de la préfecture (en effet, le même extrait que celui affiché à la mairie doit être également publié sur le site internet de la préfecture qui a délivré l’acte – article R. 512-39 I 2° du code de l’environnement).

Le délai court à compter de la dernière formalité accomplie (article 25 du décret n°2014-450 du 2 mai 2014).

Pour mémoire, ces nouvelles modalités de recours contentieux sont, pour les tiers, bien plus limitées qu’elles ne l’étaient au préalable : Il leur était jusqu’à présent loisible d’attaquer :

  • l’autorisation ICPE
  • le permis de construire,
- l’autorisation de défrichement, le cas échéant
  • la dérogation « espèces protégées », le cas échéant

  • l’autorisation au titre du code de l’énergie, le cas échéant

Désormais, avec l’autorisation unique, un seul recours est possible.

Les nouveaux délais de recours et formalités de publicité ont également considérablement évolué :

  • une autorisation ICPE pouvait être contestée dans un délai de 4 ans (jusqu’en 2010), puis un an (depuis 2010) puis 6 mois puis même 4 mois pour le cas des installations d’élevage et de production d’énergie renouvelable.
  • un permis de construire peut faire l’objet d’un recours des tiers dans les 2 mois à compter de l’affichage sur le terrain

Avec l’autorisation unique, le délai de recours est réduit à deux mois sans condition d’affichage sur le terrain.

Dans son arrêt du 30 décembre 2015, le Conseil d’Etat valide ces nouvelles modalités de recours contentieux pour les motifs suivants :

  • s’agissant de la légalité externe, parmi les différents motifs retenus par le Conseil d’Etat pour rejeter les arguments de procédure développés par les requérants, on retiendra que les nouvelles formalités de publicité et délai de recours des tiers contre l’autorisation unique de certaines installations énergétiques adoptées par l’article 25 du décret ne diffèrent pas du projet adopté par la section des travaux publics du Conseil d’Etat lors de sa séance du 14 mars 2014. La section des travaux publics a pour mission d’examiner les projets de texte (lois, ordonnances et décrets) notamment relatifs à la protection de l’environnement, à l’urbanisme et à l’énergie ; ce qui implique que le Conseil d’Etat avait déjà admis, dans sa formation réunie pour avis, le nouveau régime de recours.
  • s’agissant de la légalité interne, la Haute Assemblée juge que dès lors que l’autorisation unique de certains projets énergétiques se substitue à plusieurs régimes d’autorisation sur le fondement de législations distinctes, « il était loisible au pouvoir réglementaire, dans un souci de simplification administrative, de définir des conditions d’exercice du droit de recours permettant de ménager un juste équilibre entre les intérêts du pétitionnaire, de l’administration et du justiciable ».
  • le décret peut donc, pour ces raisons, écarter la condition d’un affichage de l’autorisation analogue à ce qui est prévu en matière d’urbanisme (à savoir sur les parcelles composant le terrain d’assiette du projet ou à proximité des accès de ce terrain).

Le Conseil d’Etat semble donc s’en tenir à un contrôle restreint des mesures de simplification décidées par l’autorité réglementaire.

L’argument d’un juste équilibre entre les intérêts du pétitionnaire, de l’administration et du justiciable pourra certainement être débattu, ces derniers pouvant reprocher à la deuxième d’avoir favorisé les premiers à travers la réforme.

Nous retiendrons pour notre part que la suppression d’une condition d’un affichage sur le terrain au profit d’un affichage en mairie est l’exact contraire de ce que les professionnels de l’urbanisme ont obtenus avec la réforme des autorisations d’urbanisme en 2007, ce qui peut paraître piquant.

En effet, les professionnels de l’immobilier ont alors fait valoir, au regard de différents cas, que le point de départ du délai de recours doit être maitrisé par le seul pétitionnaire, au risque d’instaurer une fragilité juridique : le titulaire de l’autorisation était alors tributaire du bon vouloir de l’administration qui non seulement pouvait tarder à procéder à son affichage mais en outre, pouvait tout simplement omettre de procéder à cet affichage ou, plus spécifiquement, d’en constituer la preuve (avec à la clé un point de départ différé du délai de recours en cas d’affichage incomplet ou inaccessible).

Les mêmes causes entraînant les mêmes effets, il est probable que la règle d’un affichage de l’autorisation unique en mairie engendre des effets pervers mal anticipés. A ce stade, et bien que l’autorité réglementaire ait eue la mémoire courte, le Conseil d’Etat ne semble pas avoir pris en considération cette circonstance, il est vrai à l’opposée des intérêts défendus par les requérants.

b. Participation des représentants des exploitants d’installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent à la Commission départementale de la nature, des paysages

Le Conseil d’Etat valide également la participation de représentants des exploitants d’installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent à la Commission départementale de la nature, des paysages, que le préfet peut réunir facultativement pendant l’instruction de la demande d’autorisation unique. Pour les motifs suivants, qui nous paraissaient assez classiques  :

  • tous les membres désignés au sein de cette commission administrative sont soumis au principe d’impartialité et doivent, à ce titre s’abstenir de participer aux délibérations lorsqu’ils ont un intérêt personnel à l’affaire qui en est l’objet (article 13 du décret du 8 juin 2006 relatif à la création, la composition et au fonctionnement de commissions administratives à caractère consultatif)
  • le principe d’impartialité ne fait nullement par lui-même obstacle à ce que soit prévue la désignation, au sein de cette commission, de représentants des exploitants d’installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent
  • en outre, eu égard à la compétence spécifique de cette commission en matière de risques sanitaires et technologiques, il ne saurait être soutenu que les représentants de ces exploitants ne pourraient être regardés comme des personnes qualifiées au regard de l’objet de cette commission dans le cas de projets de parc éoliens

c. Principe de participation du public

Le Conseil d’Etat juge enfin que le principe de participation du public n’a pas non plus été méconnu :

  • les stipulations de la convention d’Aarhus invoquées par le requérants (article 6 point 4 sur article 8 sur la participation du public) ne sont pas opposables car elles « créent seulement des obligations entre les Etats parties à la convention » et, donc « pas de droits dont les particuliers pourraient directement se prévaloir ».
  • le principe de participation du public du 4° du II de l’article L. 110-1 du code de l’environnement, il « se borne à énoncer des principes dont la portée a vocation à être définie dans le cadre d’autres lois ».
  • les garanties afférentes au droit à un recours effectif découlant de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et des stipulations de l’article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne sont pas méconnues dès lors que les demandes d’autorisation unique font l’objet d’une enquête publique qui participe, notamment, à l’information des tiers sur l’existence du projet.

3. Une réforme toujours en cours

Soulignons pour finir, au-delà de ce commentaire d’arrêt, que le régime de l’autorisation unique a déjà été modifié une première fois depuis le décret du 2 mai 2014 et qu’il devrait même encore évoluer, s’agissant des installations énergétiques concernées (titre 1er) :

  • l’expérimentation concernait initialement seulement certaines régions mais a été généralisée à toutes les régions depuis le 1er novembre 2015.
  • l’autorisation unique pourrait en définitive ne plus englober le permis de construire (il pourrait même être proposé de supprimer la condition du permis de construire pour les parcs éoliens) et son délai de recours pourrait repasser à 4 mois…

Devant ces évolutions successives, on ne peut s’empêcher de se remémorer les sages propos de Mireille Delmas-Marty, soulignant que, en matière de règle de droit, il faut toujours éviter la démagogie de la simplicité, et privilégier une pédagogie de la complexité.

Les réformes du droit de l’environnement seraient bien avisées de toujours s’en inspirer.

Suisse : toujours pas de valorisation complète des mâchefers d’incinération de déchets ménagers (Tribunal fédéral, 19 sept. 2024)

Suisse : toujours pas de valorisation complète des mâchefers d’incinération de déchets ménagers (Tribunal fédéral, 19 sept. 2024)

En France, la valorisation des graves de mâchefer (matières premières secondaires issues de l’incinération de déchets ménagers) est courante, notamment dans les travaux d’infrastructures routières. Elle est notamment encadrée par un arrêté ministériel et un guide technique d’application.

En revanche, en Suisse, la législation fédérale impose l’enfouissement des mâchefers, alors que les espaces disponibles pour le stockage empiètent sur les terres agricoles et, donc, la souveraineté alimentaire.

Un récent arrêt du Tribunal fédéral du 19 septembre 2024 (n° 1C_426/2023) juge que l’obligation de solidarité des cantons ne leur permet pas de rechercher seuls des solutions innovantes et plus vertueuses.

Les mâchefers d’incinération de déchets ménagers

L’incinération des déchets ménagers répond aux enjeux de l’économie circulaire. Elle doit être privilégiée à l’enfouissement, selon la hiérarchie des modes de traitement des déchets (réduire, réutiliser, recycler).

Cependant, ce mode de traitement génère des mâchefers, c‘est à dire des résidus d’incinération. Ils représentent un peu moins de 20% des déchets incinérés, soit de l‘ordre de 3 millions/tonnes de mâchefers/an en France (pour 120 centrales traitant 14,5 millions de tonnes de déchets/an) et 700 000 tonnes/an en Suisse (pour 30 centrales traitant 4 millions de tonnes de déchets/an).

En Europe, les usines d’incinération des ordures ménagères (UIOM) suisses sont réputées pour leur modernités et leurs performances, notamment en termes de rejets. Pourtant, alors que les mâchefers peuvent être avantageusement valorisés, notamment dans les travaux publics, la loi fédérale suisse (Ordonnance dite « OLED » du 4 décembre 2015), impose leur élimination en décharge.

Dans le canton de Genève, suite à a l’opposition des habitants suscitée face à un projet de création de nouvelle décharge pour stocker des mâchefers sur une zone agricole, une initiative cantonale a prôné le recyclage de ces déchets comme alternative à l’enfouissement.

L’arrêt du Tribunal fédéral du 19 septembre 2024

Toutefois, dans un arrêt rendu le 19 septembre 2024 (n° 1C_426/2023), le Tribunal fédéral a confirmé le jugement de première instance et annulé cette initiative pour deux motifs principaux :

  • la compétence en matière environnementale relève de la Confédération et non des cantons, ce qui limite la marge de manœuvre cantonale dans ce domaine (point 2.3.5 de l’arrêt)
  • la loi fédérale de protection de l’environnement impose aux cantons de collaborer pour planifier la gestion et l’élimination des déchets au-delà de leurs frontières. Cette obligation implique une participation active et constructive à la recherche de solutions communes dans le cadre de la loi (point 2.3.4 de l’arrêt)

En d’autres termes, seul un accord l’échelon confédéral peut permettre la valorisation des mâchefers d’incinération de déchets ménagers plutôt que leur enfouissement.

Cette situation rappelle les tensions en France liées aux arrêtés municipaux « anti-OGM ». Le juge administratif avait alors rappelé que la police des OGM relève de la police spécial de l’État et que le principe de précaution ne permet pas au maire d’excéder ses compétences (CE, 24 septembre 2012, 342990, Publié au Recueil Lebon).

Une modification à venir du cadre légal fédéral ?

Suite à l’arrêt rendu par le tribunal fédéral suisse, le Conseil d’État genevois (organe exécutif cantonal) a mis en avant, dans un rapport du 4 novembre 2024, la nécessité de recourir à des « procédés innovants » pour valoriser les mâchefers. Il souligne que cette initiative cantonale pourrait constituer une expérimentation visant à « démontrer à la Confédération le bien-fondé de la modification du cadre légal fédéral ». Cette évolution règlementaire serait destinée à permettre :

  • une plus grande valorisation des mâchefers et, par conséquent, la réduction des volumes de déchets enfouis
  • tout en maîtrisant les risques environnementaux et en respectant le principe de coopération intercantonale.

La France peut à ce titre se prévaloir de déjà disposer d’un cadre juridique permettant la valorisation complète des graves de mâchefer (matières premières secondaires issues de l’incinération de déchets ménagers), notamment dans les travaux d’infrastructures routières. Cette pratique est notamment encadrée par un arrêté ministériel du 18 novembre 2011 et un guide technique d’application du Cerema.

Les professionnels du secteur sont représentés en France par l’Association Nationale pour l’utilisation des Graves de Mâchefers en travaux publics (ANGM) et en Europe, par la Fédération internationale du recyclage (FIR), tout particulièrement son groupe « Incinerator bottom ash ».

Une centrale solaire peut être installée à proximité d’activités sportives et touristiques (jurisprudence cabinet)

Une centrale solaire peut être installée à proximité d’activités sportives et touristiques (jurisprudence cabinet)

Par deux jugements du 3 décembre 2024, le tribunal administratif de Limoges a rejeté les recours dirigés contre un projet de centrale solaire de 20 MW situé en région Nouvelle Aquitaine (TA Limoges, 3 décembre 2024, 2101881, 2101882 et 2101873). Le développeur du projet était défendu par le cabinet Altes.

Le tribunal a jugé que le projet respectait la réglementation locale d’urbanisme (1) et qu’il n’engendrait pas d’impact environnemental ou paysager (2).

1/ La centrale solaire respecte la réglementation d’urbanisme

Tout d’abord, il est nécessaire de rappeler que le préfet est compétent pour délivrer les autorisations d’urbanisme pour les ouvrages de production d’énergie (art. L422-2, b. du code de l’urbanisme). Parallèlement, la commune ou l’intercommunalité est compétente pour fixer la réglementation d’urbanisme.

1.1. Pas d’illégalité du PLU

Les requérants invoquaient l’« exception d’illégalité » de la règle du plan local d’urbanisme (PLU) de la commune autorisant des « constructions industrielles concourant à la production d’énergie (centrale solaire PV…) » dans un secteur dédié aux activités sportives, touristiques et de loisir.

Le juge a écarté ce moyen en considérant que le développement des énergies renouvelables n’était pas incompatible avec la promotion de ces activités.

1.2. Pas d’obligation de sursis à statuer en attendant le nouveau PLU en cours d’élaboration

Les requérants reprochaient au préfet de ne pas avoir sursis à statuer sur la demande de permis. Cette possibilité prévue par le code de l’urbanisme (articles L. 153-11 et L. 424-1), concerne le cas où un projet est de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution du futur PLU.

Le juge exerce un contrôle restreint sur l’utilisation ou non de cette faculté, limitée à l’erreur manifeste d’appréciation (voir en ce sens CE, 26 janv. 1979, n° 01485).

Le tribunal juge sur ce point que le seul projet d’aménagement et de développement durable (PADD) du futur PLU ne justifiait pas un sursis à statuer au regard de son contenu : « eu égard à leur portée et à leur caractère général et en l’absence de zonage les concrétisant, les orientations précitées du PADD ne peuvent être regardées comme traduisant un état d’avancement du projet de plan local d’urbanisme suffisant à fonder une décision de sursis, compte tenu de la localisation du projet en litige ».

Il a sur ce point confirmé la jurisprudence selon laquelle un sursis ne peut être pris que si le projet de PLU forme une quasi-norme, formalisée et décantée (voir en ce sens CE, 9 déc. 1988, n° 68286 ; CE, 21 avril 2021, n°437599, conclusions du RP ; et aussi par ex. CAA Bordeaux, 9 juill. 2020, n° 19BX00571). Ainsi, l’exécution du PADD n’étant pas compromise ou rendue plus onéreuse, le préfet n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation.

2/ La centrale solaire n’emporte aucun impact environnemental ou paysager sur le golf voisin

Les requérants contestaient enfin les impacts du projet sur l’environnement (art. R. 111-26 du code de l’urbanisme). Cependant, le tribunal juge que la localisation du projet dans une zone agricole non artificialisée ne permet pas d’établir des atteintes à l’environnement.

Les autres impacts présumés sur le paysage (art. R. 111-27), notamment un impact visuel sur un golf voisin, des risques liées aux retombées de balles, des impacts sur le drainage du terrain, ainsi qu’une dépréciation de la valeur du golf ne sont pas matériellement démontrés, d’autant plus que le projet répond efficacement à chacun de ces présumés impacts, notamment grâce à la topographie et des mesures d’insertion.

Ces jugements constituent un signal encourageant pour le développement des énergies renouvelables, même dans un contexte local parfois éprouvant. Ils démontrent également l’importance de la coordination entre le préfet et la commune dans le processus de délivrance des permis des installations de production d’énergie. Ainsi que, au besoin, l’utilité d’un accompagnement juridique des promoteurs pour limiter le risque d’annulation.

Autorisation environnementale : le juge peut forcer sa régularisation malgré l’inertie du préfet (CAA Douai, 29 août 2024)

Autorisation environnementale : le juge peut forcer sa régularisation malgré l’inertie du préfet (CAA Douai, 29 août 2024)

La procédure dite de régularisation « dans le prétoire » a été inscrite au code de l’environnement en 2017 pour faire aboutir des projets industriels et d’énergies renouvelables (notamment parcs éoliens) malgré des recours en justice. En pratique, elle peut durer et demeurer aléatoire. Cette décision démontre l’efficacité du dispositif, y compris si l’Etat, après avoir accordé une autorisation illégale, refuse in fine de la régulariser. En octroyant la régularisation malgré le refus du préfet, le juge se comporte comme un administrateur et se substitue à l’inertie de l’Etat.

En l’espèce, suite à un recours dirigé contre l’autorisation environnementale d’un projet éolien, le juge administratif avait pris un sursis à statuer (SAS) dans l’attente de sa régularisation. Deux ans plus tard, la société n’avait toujours pas obtenu l’arrêté préfectoral nécessaire à la continuité de son projet. Finalement, la Cour administrative d’appel de Douai délivre elle-même la régularisation attendue, après avoir jugé que l’inertie de l’administration était illégale (CAA Douai, 29 août 2024, 24DA00695).

1/ Une innovation prétorienne

Le recours direct contre un refus de régularisation est possible. Un refus tacite de régularisation est un acte administratif faisant grief, de sorte qu’il peut faire l’objet d’un recours. La particularité est l’articulation de ce recours mené par la société porteur du projet éolien, avec celui entamé initialement par les opposants contestant ledit projet.

Les opposants ont demandé l’annulation de l’arrêté d’autorisation environnementale alors que la société demande, quatre ans plus tard, l’annulation du refus de régulariser la même autorisation environnementale. Suivant les conclusions de sa rapporteure publique, la Cour juge que ce nouveau recours implique un recours distinct (voir en ce sens CE, 9 novembre 2021, Sté Lucien Viseur req. 440028 B), n’y reconnaissant que le statut d’observateur aux opposants.

La rapporteure publique recommande également aux juges d’examiner la légalité du refus de régularisation avant de poursuivre l’instance dirigée contre l’autorisation initiale suspendue.

Le silence opposé par le préfet à une demande de régularisation vaut refus. En l’espèce, le préfet n’avait pas explicitement refusé la demande de la société mais s’était contenté de rester silencieux.

Pour conclure que cette inertie équivaut à un refus, la Cour se base sur le délai du droit commun énoncé à l’article L.231-1 du code des relations entre le public et l’administration. Ainsi, le principe est que silence gardé par l’administration (deux mois après la demande) vaut acceptation. Par exception, le silence vaut refus dans certains cas, tel que la demande d’autorisation d’un projet soumis à étude d’impact environnemental (annexe du décret 2014-1273 du 30 octobre 2014).

La Cour juge que la demande de la société tendant à la délivrance d’une autorisation modificative, « devait conduire le préfet à apprécier s’il impliquait une modification substantielle ou seulement notable du projet autorisé. Dans la mesure où, d’une part, l’une ou l’autre de ces modifications était susceptible de justifier soit une nouvelle étude d’impact, soit une modification de l’étude d’impact et où, d’autre part, l’autorisation d’un projet soumis à étude d’impact environnemental déroge au principe selon lequel le silence de l’administration vaut acceptation » (considérant 11). Une décision tacite est donc née, mais elle vaut refus. En outre, une décision tacite de refus est par principe illégale dans la mesure où elle n’est pas motivée.

Un nouvel exemple du juge administrateur. Le juge n’a pas régularisé l’acte spontanément. C’est seulement au vu de la durée de la procédure de régularisation et de l’inertie de l’administration qu’il fait usage de ses pouvoirs de plein contentieux et se substitue à l’administration pour permettre à la continuité du projet. La rapporteure publique souligne que reconnaître cette action est le seul moyen de combattre la tendance de l’administration de refuser de statuer expressément sur certains projets éoliens.

Ainsi, la Cour précise que « [le juge administratif] a, en particulier, le pouvoir d’annuler la décision par laquelle l’autorité administrative a refusé l’autorisation sollicitée puis, après avoir, si nécessaire, régularisé ou complété la procédure, d’accorder lui-même cette autorisation aux conditions qu’il fixe ou, le cas échéant, en renvoyant le bénéficiaire devant le préfet pour la fixation de ces conditions » (considérant 31). La formulation de ce considérant de principe laisse entendre que le juge peut régulariser ou compléter la procédure, avant d’accorder lui-même l’autorisation.

2/ Comment procéder lorsque la procédure de régularisation n’aboutit pas ?

La procédure ordinaire : classique mais robuste. Dans le cas où l’acte est susceptible d’être régularisé, le juge sursoit à statuer en fixant un délai pour l’administration (article L. 181-18, I, 2° du code de l’environnement).

Le recours des tiers dirigé contre l’autorisation est alors suspendue jusqu’à ce que le préfet statue sur la mesure de régularisation. De plus, le Conseil d’Etat a précisé, dans un avis contentieux, que le juge doit user de ses pouvoirs de régularisation lorsque les conditions en sont réunies à le faire (CE, avis contentieux, 10 novembre 2023, n° 474431). La régularisation est donc devenue le principe, et non pas une simple faculté.

Enfin, le dépassement éventuel du délai fixé par le juge pour mener la procédure de régularisation ne constitue pas une entrave (Voir en ce sens CE, 16 février 2022, Société MSE la Tombelle, req. 420554, 420575  à propos de la régularisation d’un permis de construire selon l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme, « [le juge administratif] ne saurait se fonder sur la circonstance que ces mesures lui ont été adressées alors que le délai qu’il avait fixé dans sa décision avant dire droit était échu pour ne pas en tenir compte dans son appréciation de la légalité du permis attaqué »).

La procédure finalisée par le juge : une exception. Le juge a certes l’obligation de sursoir à statuer en l’attente de l’acte de régularisation. Mais si celui-ci tarde à arriver, en raison d’un blocage du préfet, comment agir ?

En suivant l’exemple du cas d’espèce, le porteur du projet, doit d’abord procéder aux formalités qui lui incombent nécessaires pour régulariser les vices constatés (par ex. mise à jour du dossier).

Il doit ensuite demander à l’administration, au besoin après qu’elle ait finalisé les formalités à même de régulariser l’autorisation illégale (par ex. demande d’avis ou enquête publique complémentaire) de délivrer une autorisation modificatrice, à savoir un arrêté préfectoral complémentaire portant régularisation.

Si l’administration refuse explicitement ou ne répond pas, le porteur de projet peut saisir le juge pour contester cette décision. Si la décision préfectorale de refus est jugée illégale, c’est le juge qui accordera – le cas échéant après avoir régularisé ou complété la procédure – lui-même l’autorisation aux conditions qu’il fixe.

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